WASP-39b, exoplanète
Une série de premières
La première observation de WASP-39b par le JWST a été réalisée le 10 juillet 2022 par le spectromètre proche infrarouge NIRSpec (Near-InfraRed Spectrograph). Elle a fourni le spectre en transmission (spectre d’absorption lors du transit) de cette exoplanète, dans lequel chaque point indique la profondeur du transit (soit la quantité de lumière absorbée par la planète et son atmosphère lors du transit) mesurée à chaque longueur d’onde.
Ce spectre est remarquable. Tout d’abord, Il s'agit du premier spectre en transmission d’une exoplanète jamais capturé qui couvre de manière continue l’ensemble des longueurs d'onde comprises entre 0,6 et 5,5 micromètres. Ensuite, sa précision est redoutable : grâce à la grande surface des miroirs du JWST, l’incertitude de chaque mesure – c’est-à-dire la plage raisonnable des valeurs réelles possibles – est extrêmement réduite et, surtout, beaucoup plus faible que la valeur nécessaire pour conclure à une détection. C’est ce qui permet de placer un haut degré de confiance dans ces détections.
Ce spectre confirme non seulement les découvertes précédentes (présence de vapeur d’eau et de sodium), mais en apporte aussi de nouvelles. D’abord, il montre un énorme pic d’absorption entre 4,1 et 4,6 micromètres. Il s'agit de la première preuve détaillée et indiscutable de la présence de dioxyde de carbone, jamais détecté auparavant sur une planète en dehors du système solaire. Puis, juste à côté de cette signature du CO2, relativement attendue car prédite par des modèles théoriques, les scientifiques remarquent un autre pic d’absorption, plus petit, d’une autre molécule encore jamais observée dans l’atmosphère d’une exoplanète. Après des mois à tester différentes hypothèses, les chercheurs ont fini par conclure, compte tenu de la position précise de ce pic d’absorption (centré sur 4 μm), qu’il s’agissait de dioxyde de soufre (SO2). Ce dernier, comme le CO2, est constitué de deux atomes d’oxygène, mais l’atome de carbone est ici remplacé par un atome de soufre.
Pourtant, le dioxyde de soufre n’est pas très stable à ces températures et pressions ; il devrait donc être rapidement détruit et donc, en principe, être indétectable. Mais cette exoplanète reçoit en permanence de son étoile, très proche, une abondance de rayons ultraviolets. Et, très énergétiques, ces rayons sont capables de casser les molécules, normalement stables, qui contiennent des atomes d’oxygène ou de soufre (en particulier la vapeur d’eau et le sulfure d’hydrogène). Ces atomes se recombinent ensuite, étape après étape, pour former du SO2. Même si cette molécule instable est détruite par la suite, le fait qu’elle soit produite en permanence suffit à ce que sa quantité soit suffisante dans l’atmosphère pour être mise en évidence. Ce mécanisme de production est dit photochimique, c’est-à-dire induit par la lumière. C’est ce même mécanisme qui est à l’origine de la couche d’ozone dans l’atmosphère terrestre : les rayons ultraviolets cassent certaines molécules de dioxygène (formées de deux atomes d’oxygène) et de vapeur d’eau et les atomes d’oxygène libérés se recombinent en ozone, molécule formée de trois atomes d’oxygène. La détection du dioxyde de soufre dans l’atmosphère de WASP39b est donc la preuve que ce mécanisme photochimique est aussi à l’œuvre dans l’atmosphère de ces exoplanètes lointaines… encore une première.
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Écrit par
- Jérémy LECONTE : astrophysicien au laboratoire d’astrophysique de Bordeaux
Classification
Médias