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KANDINSKY WASSILY (1866-1944)

Depuis longtemps considéré, à côté de Mondrian, comme l'« inventeur » de la peinture abstraite dans le courant des années 1910 et comme l'un de ses principaux théoriciens, Kandinsky a vu, après la Seconde Guerre mondiale, sa position remise en cause par l'apparition de nouvelles formes d'art abstrait, et le renouveau même de la peinture figurative. Mais, depuis le début des années 1970, l'ensemble de son œuvre a commencé à faire l'objet d'un nouvel examen : elle ne cesse aujourd'hui de redéployer toute sa richesse et sa complexité pour retrouver la place centrale qu'elle mérite d'occuper dans l'histoire de l'art européen de la première moitié du siècle.

La marche à l'abstraction

La vocation de Kandinsky (né le 4 décembre 1866 à Moscou, dans une famille aisée et cultivée) est tardive : ce n'est qu'à quarante ans qu'il abandonne la carrière universitaire pour se consacrer à la peinture. Mais cette conversion a été précédée d'une longue maturation : depuis la petite enfance le futur peintre a appris dans les domaines les plus divers (la musique, le droit, l'art populaire...) à reconnaître au-delà de l'apparence des choses le poids déterminant des motivations intérieures. La découverte de la peinture impressionniste, où l'objet ne semble jouer qu'un rôle secondaire, a été l'ultime révélateur : il choisit alors d'étudier la peinture à Munich, où il se rend en 1896. Mais entre 1903 et 1908 il voyage aussi dans toute l'Europe (avec un séjour d'un an à Paris, en 1906-1907) et découvre les plus récentes avant-gardes : Cézanne, Matisse, Picasso, les trois noms qu'il fait ressortir en tête de son livreDu spirituel dans l'art, achevé en 1910, prouvent des connaissances et une lucidité alors peu courantes.

À Munich, Kandinsky déploie une activité inlassable au sein de plusieurs groupes dont il est successivement président : Phalanx, de 1901 à 1904 ; la Nouvelle Association des artistes de Munich (N.K.V.M.), fondée en 1909 ; Le Cavalier bleu (Der Blaue Reiter), en 1911. Mais sa peinture, en constante progression, ne cesse de déborder celle de ses amis (Gabriele Münter, rencontrée à Phalanx en 1902, et avec laquelle il vit jusqu'en 1915 ; Franz Marc, avec lequel il édite l'Almanach du Cavalier bleu en 1912) : c'est finalement un homme seul dont l'univers pictural conquiert peu à peu son autonomie et trouve sa cohérence.

<it>Église à Murnau</it>, W. Kandinsky - crédits : Bridgeman Images

Église à Murnau, W. Kandinsky

Jusqu'en 1910 environ, son œuvre se développe parallèlement selon deux séries, en apparence hétérogènes : des paysages « d'après nature », peints notamment au village de Murnau, en Haute-Bavière, où le peintre séjourne l'été ; et des scènes « de fantaisie », inspirées en partie du Moyen Âge russe ou germanique. Dans la première, Kandinsky fait peu à peu l'apprentissage des toutes dernières recherches formelles – celle du fauvisme en particulier – libérant la couleur et simplifiant le dessin, avec des références à l'objet de plus en plus allusives. Dans la seconde, au contraire, la forme reste longtemps marquée par l'Art Nouveau international : Jugendstil allemand ; Monde de l'art russe, Ivan Bilibine et Nicolas Roerich surtout ; Nabis français, Vallotton notamment, très présent dans les gravures sur bois ; mais la thématique propre du peintre peu à peu s'y découvre, et s'y concentre sur un petit nombre de motifs à forte résonance spirituelle. C'est la fusion progressive des deux séries (par l'intermédiaire des montagnes de Murnau en particulier, et des églises à bulbe de Haute-Bavière) qui conduit à la nouvelle peinture.

Dans ce processus la mémoire joue un rôle essentiel : à Munich, Kandinsky peint des « souvenirs » de Russie (avec laquelle il garde des contacts étroits) ou de Tunisie[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art moderne et contemporain à l'université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand

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<it>Église à Murnau</it>, W. Kandinsky - crédits : Bridgeman Images

Église à Murnau, W. Kandinsky

<it>Saint Vladimir</it>, W. Kandinsky - crédits : Peter Willi,  Bridgeman Images

Saint Vladimir, W. Kandinsky

<it>La Touche noire</it>, W. Kandinsky - crédits :  Bridgeman Images

La Touche noire, W. Kandinsky

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