KAZAN WATANABE (1793-1841)
Esprit aux idées généreuses et très avancées, quoique fidèle au système féodal, peintre à la fois novateur et traditionaliste, tel apparaît Watanabe Kazan. Le Japon connaissait de son temps les derniers soubresauts de la féodalité s'efforçant d'endiguer les idées nouvelles, tandis qu'en matière artistique, la peinture, qu'avait usée l'éclectisme, cherchait à sortir de l'impasse.
Par son double destin de samurai et de peintre, Kazan vécut intensément le malaise de son temps. Par la dualité de son caractère où se mêlent conservatisme et inquiétude, il est un personnage typique de fin d'époque. En lui s'incarne, en quelque sorte, la transition difficile entre l'ancien régime et l'ère moderne, entre une tradition picturale qui semblait avoir tout dit et le renouveau qui soufflait d'Occident.
Victime d'une société
Fils d'un samurai du clan de Tawara en Mikawa (aujourd'hui préfecture d'Aichi), Watanabe Kazan naquit à Edo en 1793. En dépit de leurs embarras d'argent, les parents soignèrent l'éducation de ce fils aîné, caressant même le projet d'en faire un lettré confucéen. Mais l'indigence eut vite raison de cet espoir ambitieux et l'on orienta Kazan vers la peinture.
À l'encontre de tant d'hommes d'épée qui, séduits par les arts graphiques, s'y adonnaient exclusivement, Kazan ne s'écarta nullement de la vie publique. Dévoué à son clan avant tout, il ne demanda longtemps à la peinture qu'un supplément de ressources. Sa carrière fut d'ailleurs marquante : on le promut bientôt chef de ses covassaux et, à ce poste, il administra les domaines du clan avec conscience et adresse, faisant preuve d'un esprit très ouvert et curieux de l'apport étranger.
Il y avait, à l'époque, des intellectuels progressistes, les Rangaku-sha, qui étudiaient dans le texte les ouvrages hollandais, alors seule information qui vînt d'Occident. Avec certains d'entre eux et en raison de leurs connaissances précieuses, Kazan forma un cercle où se discutaient avec passion les problèmes d'un système en déroute. Ses intentions n'étaient aucunement révolutionnaires : au contraire, par loyalisme envers son suzerain, il recherchait en toute objectivité les possibilités de réforme.
Mal compris, Kazan et ses amis s'attirèrent les haines des conservateurs confucéens et des ultra-féodaux. De son côté, le gouvernement, dont l'autocratisme chancelait et qui entendait le raffermir, décida d'interdire pareille liberté de pensée. Et, en 1839, la répression s'organisa contre Kazan et ses amis. Inculpé de conspiration, incarcéré, il encourait la peine de mort. Grâce à des interventions amies, la sentence rendue contre lui se limita à la résidence surveillée à Tawara, sous la responsabilité de son clan.
Déchu de ses fonctions, Kazan tomba dans un dénuement extrême, avec la peinture pour seul moyen de subsistance. Ses détracteurs, pourtant, ne désarmaient pas : ils entretinrent contre lui une campagne de diffamation, en présentant son activité d'artiste comme un défi envers l'autorité. Vaincu par tant de malveillance, craignant de susciter des ennuis à son seigneur, Kazan choisit en 1841 de se donner la mort. Il avait quarante-huit ans.
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Écrit par
- Chantal KOZYREFF : conservatrice des collections Japon, Chine et Corée aux Musées royaux d'art et d'histoire, Bruxelles, gestionnaire des musées d'Extrême-Orient
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