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WEN YIDUO[WEN YI-TOUO](1899-1946)

Renaissance poétique

Sans être d'une ampleur remarquable, l'œuvre de Wen Yiduo n'a cessé d'exercer sur les jeunes poètes une influence considérable. Confronté comme tous ses contemporains au problème apparemment insoluble des formes poétiques de langue moderne, il sut y apporter des solutions qui devaient faire école. Armé comme il l'était d'une très vaste culture traditionnelle, enrichi de ses études minutieuses de la langue et des rythmes anglais, d'où il tira des prolongements théoriques, il donna à la poésie de langue moderne (bai hua) des formes originales dégagées de la prosodie classique, mais qui restent conformes au génie de la poésie chinoise. Contrairement à ses prédécesseurs immédiats, les poètes tentés par une poésie libérée au point de s'aligner sur la prose, Wen Yiduo soutenait que la poésie devait être un autre langage que le langage « naturel », et que la langue chinoise offrait des possibilités tout à fait particulières de beauté, qu'il fallait chercher à utiliser au mieux en s'astreignant au travail et à la discipline : « Plus l'artiste est grand, plus il aime danser dans des entraves. » Lui-même écrivit de moins en moins librement, dans des formes très réglées et soigneusement ciselées, dont il n'y avait eu aucun exemple avant lui.

Des deux recueils de poèmes de Wen Yiduo, le premier, Hong Zhu, a été écrit pendant son séjour aux États-Unis. Marqués par le romantisme juvénile de cette période de sa vie, ils expriment les émotions de l'homme (chansons d'amour pour sa jeune femme, élégies douloureuses pour l'enfant morte), celles du peintre (splendeur des paysages nouveaux, brillant des couleurs et des espoirs), celles du patriote blessé par le racisme ambiant, torturé par le mal du pays. Le second recueil, Si Shui, est écrit après le retour, dans l'étonnement douloureux d'avoir retrouvé une patrie si accablée. Le recueil tire son nom du titre du premier poème, très connu non seulement pour le symbole qu'il comporte et le ton qu'il donne à l'ensemble, mais parce que ce poème est lui-même une construction prosodique rigoureuse conforme aux recherches théoriques de Wen Yiduo. On retrouve dans L'Eau morte les thèmes du premier recueil, mais aussi des ballades de style plus épique sur les malheurs de la guerre et la misère du pays, l'ancienne nostalgie du poète traditionnel perçant ici et là, sous les formes modernes, pour une échappée vers l'Idéal, le Miracle du monde réparé ou de la « Porte d'or » entrouverte sur le Ciel... Ce poète à la personnalité si complexe et si émouvante, esthète formaliste mort en héros au service de la liberté et de la révolution, ne pouvait pas faire l'unanimité des critiques. Certains le vénérèrent pour sa mort mais blâmèrent les heures passées dans le studio de Croissant, à rêver d'un art et d'une littérature sans classes ; d'autres apprécièrent son romantisme occidentaliste ou archaïsant, mais raillèrent ses poèmes « carrés comme des fromages de soja », etc. Concernant le premier grand créateur de formes poétiques de la littérature chinoise moderne, on assiste à des appréciations qui rendent enfin justice et à l'homme et au poète.

— Michelle LOI

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure de jeunes filles, agrégée de l'Université (lettres), docteur d'État, professeur honoraire à l'université de Paris-VIII, département de littérature générale, domaine chinois

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