HEISENBERG WERNER KARL (1901-1976)
Mécanique quantique
Au moment où Heisenberg arrivait à Copenhague, en 1924, Bohr et Kramers consacraient leurs efforts à l'examen de la portée du principe de correspondance. On peut analyser le mouvement classique des électrons d'un atome en ses composantes périodiques et leurs harmoniques (multiples entiers mω des fréquences ω) et calculer les amplitudes q(1)m, q(2)m de ces composantes, qui déterminent l'intensité et la polarisation du rayonnement classique émis avec la fréquence mω. D'autre part, les fréquences du rayonnement véritablement émis par l'atome dans les transitions quantiques entre ses états stationnaires, d'énergie En, s'expriment comme différences (divisées par la constante de Planck h) entre les énergies de ces états :
Le principe de correspondance consiste à associer judicieusement chaque fréquence quantique ωnn′ à une fréquence classique mω et à postuler que chaque amplitude classique donne, sinon la vraie valeur, du moins l'ordre de grandeur de l'amplitude quantique correspondante qnn′(i). Cette méthode purement heuristique avait déjà donné de remarquables résultats. Après s'être fait la main en l'appliquant à la polarisation du rayonnement de fluorescence, Heisenberg aida Kramers à résoudre le problème plus général de la dispersion du rayonnement traversant un milieu matériel, c'est-à-dire du calcul du rayonnement diffusé par le milieu en fonction des propriétés optiques des atomes qui le composent. À chaque composante du mouvement propre des électrons, de fréquence mω, sont associées des amplitudes « induites » f (ik)m, déterminant la contribution de cette composante à la diffusion du rayonnement incident ; ces amplitudes sont du type : Les amplitudes quantiques correspondantes doivent alors se mettre sous la forme : Heisenberg remarqua qu'une telle relation (dans une algèbre dont les grandeurs q, f sont représentées par les « matrices » ou tableaux des composantes qnn′, fnn′) pouvait formellement être considérée comme la représentation d'un « produit » f (ik) = q(i)q(k), c'est-à-dire que cette relation définissait la loi de multiplication de l'algèbre en question, multiplication en général non commutative. De la sorte, le principe de correspondance était remplacé par une méthode mathématique rigoureuse, qui devait conduire à une forme non plus approchée, mais exacte, des lois du mouvement des systèmes atomiques, incorporant rationnellement les postulats quantiques de Bohr.Dans la formulation et l'exécution de ce programme, Heisenberg fut bientôt secondé par Max Born et Pascual Jordan : en peu de temps, ces trois physiciens jetèrent les fondements d'une mécanique quantique (1925), dans laquelle les variables physiques caractérisant le comportement du système – par exemple les coordonnées spatiales q et les composantes d'impulsion p des particules dont il est formé – sont représentées par des grandeurs algébriques du type qui vient d'être décrit. Les lois du mouvement conservent dans cette algèbre la même forme qu'en mécanique classique ; mais les « conditions quantiques », par lesquelles on avait essayé jusqu'alors d'introduire le quantum d'action dans la théorie, sont maintenant transformées en relations de non-commutation pour chaque couple de variables « conjuguées » tel que (q, p) :
La signification physique du formalisme de la mécanique quantique demandait une analyse plus poussée que celle qui s'appuyait simplement sur le principe de correspondance, et qui mettait l'accent sur le rôle des quantités |qnn′|2, déterminant les probabilités de transition, et celui des valeurs propres de l'énergie du système, représentant les énergies de ses états stationnaires. Il s'agissait d'examiner les possibilités de détermination[...]
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Écrit par
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