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WEST SIDE STORY, film de Jerome Robbins et Robert Wise

Une chorégraphie enflammée

Manhattan, montré en vues aériennes d'une manière sublime dans l'ouverture conçue par le graphiste Saul Bass, est une des vedettes de ce film, qui utilise admirablement les immeubles, les terrains de jeu à grillages, et les « escaliers de secours » anti-incendies. Après ce début, on ne sort jamais du quartier populaire, filmé sur place, ou reconstitué en studio. Les dialogues et les « lyrics » (paroles) traitent d'une manière pertinente de la question de l'immigration venue des pays pauvres du Sud. Deux des meilleurs et des plus célèbres numéros musicaux du film traitent avec humour des problèmes de société : Gee, Officer Krupke montre comment les jeunes immigrés au bord de la délinquance sont enfermés dans un système qui en fait des cas sociaux, tandis que le balletAmerica, au rythme entraînant, pèse le pour et le contre de l'immigration aux États-Unis du point de vue des Portoricains, les filles y voyant l'occasion de s'émanciper et d'échapper à la tutelle familiale, les garçons dénonçant les vices de l'Amérique et le mirage d'une « insertion » à laquelle leur origine ne leur donne pas droit – insertion que rend également illusoire l'échec social qu'incarnent les Jets, fils d'immigrés un peu plus anciens. Le film n'est donc pas « bien-pensant ». Certains personnages d'adultes sont de francs racistes, et la coupure entre une jeune génération et la vie civique est représentée par des affiches de vieux politiciens d'un autre âge que personne ne regarde. D'un autre côté, les jeunes ne sont pas flattés. Leur énergie et leur dévotion à la bande deviennent répugnantes et bestiales quand les Jets miment un viol au-dessus d'Anita.

Mais le film est aussi un plaisir « musical », et rarement cet adjectif aura été aussi bien mis en valeur dans un film du genre, grâce à la partition colorée et admirablement orchestrée de Bernstein. Incroyable melting-pot de styles (elle cite Beethoven, Wagner et Bruckner, et les combine avec des rythmes sud-américains et le jazz), cette musique arrive à unir de manière indissoluble la notion d'amour humain et d'amour sacré.

Les deux jeunes héros, tous deux doublés pour le chant, dansent à peine, voire pas du tout, et n'interviennent pas dans les grands ballets collectifs, dont émerge un danseur plein de charisme, George Chakiris, à qui Jacques Demy donnera un rôle dans ses Demoiselles de Rochefort (1966). Il retrouve la juvénilité animale et virile qui plaisait chez le jeune Marlon Brando. Si Natalie Wood, déjà vedette d'un film sur les « bandes de jeunes », La Fureur de vivre, est ravissante et passionnée dans le rôle de Maria, Richard Beymer est un Tony un peu fade.

Le grand format du film 70 mm est utilisé pleinement pour valoriser de véritables ballets, évoluant dans des rues en plein air, ou dans des décors d'intérieur stylisés aux couleurs violentes. Le mariage et le passage entre les deux univers sont d'ailleurs étonnamment réussis, contrairement à d'autres tentatives de ce genre. Et West Side Story reste inégalé dans sa représentation du premier amour adolescent, l'amour pur et absolu – un sujet que curieusement la comédie musicale a rarement approché avec autant de flamme.

— Michel CHION

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Écrit par

  • : écrivain, compositeur, réalisateur, maître de conférences émérite à l'université de Paris-III

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Média

West Side Story, de Jerome Robbins et Robert Wise, 1961, affiche - crédits : Mirisch Corporation / Seven Arts Productions/ AKG Images

West Side Story, de Jerome Robbins et Robert Wise, 1961, affiche

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