WAGNER WIELAND (1917-1966)
Espaces et lumières
Les conceptions de Wieland Wagner sont, sur le plan formel, la réalisation scénique des idées exprimées par Adolphe Appia dès 1895, idées alors condamnées par Cosima Wagner. Il s'agit avant tout de créer sur le plateau une image scénique qui traduise, tel un résonateur, les valeurs émotives contenues dans la partition. Cette image, contrairement à la représentation traditionnelle qui met l'acteur dans un décor, est unitaire : acteur et espace demeurent en parfaite symbiose et expriment, par la moindre variation de leur rapport, le mouvement musical, concrétisant ainsi la célèbre phrase de Parsifal : « Zum Raum wird hier die Zeit » (« Ici, le temps devient espace »). Les moyens employés par Wieland Wagner sollicitent de l'acteur une attitude gestuelle de tout le corps, très dépouillée, et, du fait de la sobriété et de la valeur dynamique du moindre mouvement, d'une extrême puissance expressive ; le décor est constitué d'éléments très simples faisant appel à l'incessante variation de la lumière, construisant des espaces dramatiques en rapport avec le contenu de la partition, et donc avec le jeu de l'acteur. Partant d'un espace totalement lumineux les premières années, son évolution vers une densification de la spatialité du drame musical l'a amené à repeupler l'espace de données scéniques aussi bien symboliques (menhirs, totems, réseaux oniriques) qu'allusives (mobilier Biedermeier pour Lulu, établi de cordonnier pour Les Maîtres chanteurs), mais toujours sans valeur proprement historique, le but étant de mettre en évidence la donnée intemporelle du drame.
Pour exprimer toute la portée de ses conceptions, Wieland Wagner a formé à Bayreuth et à Stuttgart une équipe de chanteurs-acteurs, dont les noms restent définitivement liés à son activité : Astrid Varnay, Martha Mödl, Anja Silja, Wolfgang Windgassen, Hans Hotter, Josef Greindl sont les principaux. Et son travail novateur a trouvé dans des chefs d'orchestre comme Clemens Krauss, Karl Böhm et Pierre Boulez un miroir pour la relecture sonore des partitions qu'ils ont pu produire ensemble.
En dépit de son rayonnement mondial et du fait que ses conceptions sur l'éclairage ont été quasi universellement adoptées, l'œuvre de Wieland Wagner est restée incomprise dans son fond, ce qui a amené en réaction l'apparition, dans les années 1970, d'une conception narrative de la mise en scène d'opéra – à primauté théâtrale –, à l'opposé des conceptions « musicales » de Wieland Wagner, et dont la réussite la plus remarquable fut la Tétralogie montée par Patrice Chéreau à Bayreuth en 1976-1980.
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Écrit par
- Pierre FLINOIS : architecte, critique musical
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Médias
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