LAM WIFREDO (1902-1982)
Par son père chinois et par sa mère mulâtresse de Cuba, Lam appartient à un passé immémorial, dont il ne se déprendra jamais, et où il semble que périodiquement il ait le secret de se replonger, moins pour se renouveler que pour se rajeunir. C'est seulement en 1928 qu'il voit pour la première fois des sculptures africaines dans un musée de Barcelone, où il est venu poursuivre des études artistiques commencées à La Havane. En 1937, la guerre civile espagnole le pousse à se réfugier à Paris. Là, Picasso, qu'il admire et qu'il imite dans ses premières peintures, se prend pour lui d'un très vif intérêt ; il arrache en quelque sorte le jeune artiste à sa réserve naturelle, pour lui faire rencontrer Breton, Ernst et Brauner, auxquels il le présente avec un véritable enthousiasme. Dès cette époque (1939), la peinture de Lam se rapproche du surréalisme, auquel il adhère pleinement à Marseille en 1940, lorsqu'il s'y retrouve réfugié avec un certain nombre d'artistes du mouvement. En 1941, il réussit à regagner son pays natal (Cuba), sans cesser d'être en contact avec les surréalistes. Sa peinture atteint pendant cette période son premier sommet, avec des toiles comme La Jungle et Le Sombre Malumbo (galerie Pierre Matisse, New York). Un séjour à Haïti le met en contact avec les cérémonies vaudou, et il y puise un nouvel enrichissement chromatique de son lyrisme, jusque-là assez austère (Ogoun Ferraille, coll. Reynal, Paris). Il séjourne fréquemment à Paris après la guerre. Par la suite, il arrivera parfois à Lam de céder à la tentation d'une peinture presque monochrome (La Coiffe blanche, 1963), où s'exercerait uniquement sa tendance au schématisme calligraphique, tendance héritée de ses débuts et dont il a fait bénéficier à plusieurs reprises la gravure et l'illustration. Il tire des effets à peu près illimités d'un répertoire de signes à la violence contenue (feuillages aérés, oiseaux griffus, masques cornus, silhouettes filiformes) que l'on retrouve aussi dans les céramiques de 1975. L'erreur serait d'y lire seulement la transposition allusive de certains thèmes obsessionnels (La Veilleuse, 1945, coll. E. Loeb, Paris) des contes populaires cubains ou africains (Osum, elegua pour Yemaya, 1963). En fait, l'artiste a réussi à la fois à personnaliser ces éléments traditionnels et à les universaliser : chacun peut y reconnaître les formes fondamentales de son propre désir. Le livre de M. P. Fouchet (Paris, 1976) analyse cette richesse et constitue en même temps un catalogue de l'œuvre. Il n'est pas inutile enfin de signaler que, de Paris où il s'est fixé en 1952, où il meurt en 1982 et qui lui consacre une exposition (musée d'Art moderne, mars 1983), Wifredo Lam a joué, depuis 1960, un rôle d'ambassadeur infatigable de la peinture cubaine dans le monde et du développement pictural européen à Cuba.
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Écrit par
- Gérard LEGRAND : écrivain, philosophe, critique d'art et de cinéma
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