BION WILFRED R. (1897-1979)
La figure de Bion, principal disciple de Melanie Klein, est celle d'un grand penseur du mouvement psychanalytique. Revenant à la source des premiers grands travaux de Sigmund Freud (1895, 1900, 1911), son principal mérite est d'avoir développé, selon l'ensemble de leurs conséquences et dans une perspective d'une remarquable originalité, l'esquisse qu'ils contiennent d'une conception métapsychologique des processus de pensée. Par ailleurs, Bion articule ce modèle renouvelé de l'appareil de pensée à des vues alors très nouvelles sur les mécanismes de la psychose (Freud, 1911), aussi bien que sur le fonctionnement des groupes (Freud, 1921). À cette fin, il convoque, à l'appui d'une théorie rigoureuse et profonde de l'« observation psychanalytique », un vaste éventail de connaissances impliquant la philosophie (D. Hume, E. Kant), l'épistémologie (H. Poincaré), l'histoire de l'art et des religions, la physique, la logique et les mathématiques.
L'étude psychanalytique des groupes
Né en Inde où son père était ingénieur, Wilfred R. Bion poursuit d'abord des études d'histoire à Oxford. Puis il se tourne vers la médecine et la psychiatrie. Il entreprend sa formation psychanalytique auprès de John Rickmann, puis surtout de Melanie Klein, dont il sera le disciple ou, plutôt, le descendant le plus original et le plus célèbre. Il entre en psychanalyse lors de la Seconde Guerre mondiale par le biais de la psychiatrie militaire, en se consacrant à l'étude des activités libres dans les petits groupes. Revenu à la vie civile, il applique ses méthodes personnelles à la création de groupes de thérapie à la Tavistock Clinic de Londres. Cette première période de son activité, de 1948 à 1961, aboutit à la publication d'Experiences in groups (1961). Président de la Société britannique de psychanalyse de 1962 à 1965, il vit ensuite à Los Angeles de 1968 à 1979, où il acquiert une réputation internationale. Dans une période de production brève, mais très féconde, il publie alors Learning from Experience (1962), Elements of Psychoanalysis (1963), Transformations (1965), Second Thoughts (1967), Attention and Interpretation (1970). Au cours de sa période américaine, il anime plusieurs séminaires au Brésil, où les conceptions de Melanie Klein ont toujours suscité un intérêt marqué. Le contenu de ces rencontres (1973, 1974) a été réuni dans Brazilian Lectures (1974), suivi de Two Papers : the Grid and Caesura (1977). Vers la fin de sa vie, Bion rédige encore les trois volumes de A Memory of Future.
La pensée de Bion n'a commencé à pénétrer dans le public français qu'à la fin des années 1970, avec environ deux décennies de retard sur les pays de langue anglaise. Les raisons s'en expliquent par le maintien d'une attitude critique, à cette époque en France, à l'égard des conceptions kleiniennes, mais aussi par le lent progrès des applications de la psychanalyse aux domaines de la psychose et des thérapies de groupe (S. Lebovici, 1958, D. Anzieu, 1969, 1975).
Bien que l'étude scientifique des groupes restreints eût été inaugurée par les travaux d'Elton Mayo (1880-1949 ; 1927-1932), de Jacob L. Moreno (1889-1974 ; 1923, 1934, 1947, 1954, 1970) et de Kurt Lewin (18901947 ; 1936, 1939, 1951, 1952), Bion est le premier à l'avoir abordée du point de vue des conceptions psychanalytiques. Il considère l'organisation du groupe à un moment donné comme résultant de l'interaction de deux facteurs : la mentalité groupale ou culture de groupe ; les opinions, pensées et désirs conscients des individus, le premier facteur pouvant coïncider ou non avec le second. La mentalité groupale se définit par rapport à un « présupposé de base » (ou supposition de base). Il s'agit d'une volonté collective, unanime, anonyme et inconsciente,[...]
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Écrit par
- Émile JALLEY : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur de psychologie et d'épistémologie à l'université de Paris-Nord
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Autres références
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