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BAUMGARTNER WILFRID (1902-1978)

D'ascendance alsacienne et de confession protestante, Wilfrid Baumgartner était le fils d'un brillant chirurgien des hôpitaux de Paris. Il fait ses études au lycée Buffon puis à la faculté de droit et à la faculté des lettres de Paris (sociologie et géographie) ainsi qu'à l'École libre des sciences politiques. Sa thèse de doctorat a pour sujet le rentenmark et la politique monétaire allemande. Elle sera lue attentivement par le docteur Schacht, grand argentier du Reich. Il passe le concours de l'inspection des Finances et sort major de sa promotion. Il est nommé inspecteur des Finances en 1925 et chargé de mission au Mouvement général des fonds – l'actuelle direction du Trésor. Il gravira les échelons de la hiérarchie à une allure fulgurante : sous-directeur de 1930 à 1934, directeur adjoint en 1934-1935, directeur de 1935 à 1937.

En 1930, il fait son entrée en politique comme directeur au cabinet de Paul Reynaud, ministre des Finances. En 1935, il renoue avec la politique en tant que chef du cabinet de Laval et participe à une malheureuse expérience de déflation, puis à la relance du Front populaire avec Vincent Auriol, de juin 1937 à mars 1938. Il poursuit sa carrière de grand commis de l'État en assumant au Crédit national les responsabilités de sous-directeur, de directeur adjoint, puis de directeur de 1937 à 1939. Il siège également au Conseil de la Banque de France et continue d'enseigner à l'École libre des sciences politiques. En mai 1944, Wilfrid Baumgartner est arrêté par la Gestapo, envoyé à Compiègne et déporté à Buchenwald et à Plansee.

C'est en 1949 qu'il est nommé gouverneur de la Banque de France. Il y régnera – le mot n'est pas trop fort – jusqu'en 1960. Aucun gouverneur n'a probablement autant marqué cette fonction de sa personnalité. À une époque où les ministres défilent, il demeure. En un temps où règne le laxisme, il incarne la rigueur. Et la stature du gouverneur parle. Obligés d'avoir recours, selon l'expression consacrée, aux « facilités de la Banque de France », les présidents du Conseil se voient admonestés dans les « lettres » du gouverneur avec la plus grande vigueur et rappelés aux règles élémentaires de la bonne gestion financière. Certaines « petites phrases » feront très mal. Par exemple, le fameux « la France vit au-dessus de ses moyens » dont le gouvernement Edgar Faure en février 1952 ne se relèvera pas. D'autres présidents du Conseil n'échapperont pas non plus aux analyses lumineuses et aux leçons sévères administrées sur un ton d'une hauteur surprenante.

Après onze années de Banque de France, Wilfrid Baumgartner est nommé, en 1960, ministre des Finances, après le départ d'Antoine Pinay (cabinet Michel Debré). Passé de l'autre bord, il se montre aussi remarquable ministre que gouverneur. Il participe au redressement des finances intérieures et extérieures, favorise la reprise de l'expansion, fait signer les « accords Baumgartner » à Vienne, en 1961, entre les dix grandes puissances industrielles, réforme la Commission des comptes de la nation et, dès cette époque, œuvre à l'amélioration du fonctionnement de la Bourse des valeurs et à la relance de la place de Paris. Les amateurs d'art sauront gré à ce lettré d'avoir, enfin, rendu le pavillon de Flore au musée du Louvre.

En 1962, Wilfrid Baumgartner quitte la rue de Rivoli et remet son portefeuille à un très jeune successeur, Valéry Giscard d'Estaing. En 1964, ce grand commis de l'État est appelé pour remettre de l'ordre dans le secteur privé de la chimie. Il est nommé à la présidence de Rhône-Poulenc et réalise en 1969 la fusion avec Progil et Pechiney Saint-Gobain. Mais le groupe Rhône-Poulenc n'est pas assez structuré pour bien résister à la crise du pétrole et Wilfrid Baumgartner n'est pas un[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-V-Sorbonne

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