LEHMBRUCK WILHELM (1881-1919)
Sculpteur et aquafortiste allemand. Né à Duisburg, fils d'un mineur, Wilhelm Lehmbruck fréquente de 1901 à 1908 l'Académie des beaux-arts de Düsseldorf. En 1905, un prix lui est décerné qui lui permet de faire le voyage d'Italie. Deux ans plus tard, il est reçu membre de la Société nationale des beaux-arts à Paris. Il séjourne dans cette ville de 1910 à 1914 ; habitant Montparnasse, il se lie d'amitié avec Archipenko et fréquente Brancusi. En 1913, son Agenouillée est exposée à l'Armory Gallery de New York. Il s'installe en 1914 à Berlin, où il revient en 1919, après un séjour de deux ans à Zurich. Élu membre de l'Académie des beaux-arts de Prusse, il se donne la mort le 25 mars de la même année. Peu abondant, son œuvre sculpté maintient la tradition du nu, le seul thème qu'il ait traité en dehors de ses portraits, mais reflète aussi de manière très personnelle les apports des grands sculpteurs contemporains, de Constantin Meunier à Brancusi. De ce dernier le rapproche, outre certains motifs, comme celui des Têtes aimantes de 1918, le goût prononcé pour les torses, où se retrouve une obsession du fragmentaire qui s'alimente au souvenir de l'illustre torse antique conservé au Vatican. Mais par ailleurs, rien n'est plus contraire à Lehmbruck que cette épuration des formes poussée jusqu'à l'abstraction où s'épuisa le génie du grand sculpteur roumain. Lehmbruck ne sacrifie ni l'apparence du corps humain, ni les détails de la forme, qui lui semblent au contraire essentiels par le rapport de proportions qu'ils entretiennent avec l'ensemble. S'intéressant dans les premières œuvres au volume plein, dont témoigne encore sa Figure féminine debout de 1910, conçue dans un esprit proche de celui de Maillol, il s'oriente brusquement vers un art du vide et de l'espace dont l'Agenouillée de 1911 offre l'un des exemples les plus célèbres. L'influence des œuvres du sculpteur belge George Minne, comme sa fontaine du musée Folkwang à Essen, dut jouer dans cette évolution un rôle déterminant. À partir de 1911, les longues figures de Lehmbruck aux membres grêles, étirés, tendent de plus en plus à refléter par leur attitude et leur expression toutes les mélancolies, les douloureuses méditations, les abattements de l'être humain ; de la Méditative de 1913-1914 à la Tête du penseur de 1918 en passant par l'Abattu de 1916-1917, poignante image de l'homme vaincu par la brutale violence de la guerre, toutes ces œuvres baignent dans une même atmosphère spirituelle qui éclaire le suicide de l'artiste à trente-huit ans, au lendemain du cataclysme qui avait ébranlé l'Europe.
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Écrit par
- Pierre VAISSE : professeur d'histoire de l'art à l'université de Genève
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