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WILHELM MEISTER, Johann Wolfgang von Goethe Fiche de lecture

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Wilhelm Meister a occupé Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) à trois reprises. D'abord à l'époque de Werther, et jusqu'au départ pour l'Italie (1786). C'est au début de son séjour dans ce pays que l'écrivain abandonne ce premier projet de roman, La Vocation théâtrale de Wilhelm Meister. Sans doute la rencontre avec Karl Philipp Moritz, l'auteur d'Anton Reiser, joua-t-elle ici un rôle déterminant. Le manuscrit du roman fut redécouvert en 1909 et publié en 1911. Goethe allait reprendre cette matière narrative de 1794 à 1796, époque de la composition et de la publication des Années d'apprentissage de Wilhelm Meister, puis de 1807 à 1811 et de 1819 à 1821, lorsqu'il écrit le dernier volet de cette trilogie romanesque : Les Années de voyage de Wilhelm Meister.

Le roman d'une vie

Goethe se passionne d'abord pour le théâtre et place Shakespeare au sommet de ses admirations. Le premier Wilhelm Meister (1776-1786) donne donc une large place aux débats sur le genre théâtral, dans un contexte qui, en Allemagne, était dominé par Lessing, Herder et Lenz. Les « théâtres nationaux » étaient encore peu nombreux, et les troupes ambulantes conservaient une importance primordiale.

Quoique fragmentaire, ce premier stade du grand roman de Goethe est considéré comme une de ses œuvres les plus attachantes. Moins monumental que les deux romans suivants, il se distingue par une grande fraîcheur narrative. Les modèles de Goethe sont anglais (Oliver Goldsmith, Le Vicaire de Wakefield ; Lawrence Sterne, Tristram Shandy ; Tom Jones de Fielding), français (Scarron, et surtout Télémaque de Fénelon, le modèle du roman d'éducation) et espagnol : au Don Quichotte, Goethe emprunte la structure qui oppose le talent et la vie, l'aspiration poétique et la désillusion.

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La Vocation théâtrale de Wilhelm Meister fait évoluer le personnage éponyme entre trois mondes. Celui des artistes et des comédiens, qui est aussi le monde de l'amour-passion pour Marianne ; la société aristocratique, prestigieuse mais décevante, du château qui accueille la troupe ; enfin la sphère bourgeoise avec Wilhelm Meister, fils de commerçants, officiellement parti pour un voyage d'affaires : « Ne fallait-il pas que le théâtre devînt son salut, lui qui pouvait voir le monde comme dans une noix, ses impressions et ses actions à venir comme dans un miroir, les silhouettes de ses amis et frères, les héros, et les magnificences étincelantes de la nature, tout cela tranquillement installé sous un toit, quel que soit le temps ? » Par ailleurs, la composition du manuscrit est rythmée par des poèmes, dont huit seront repris par Goethe dans Les Années d'apprentissage.

Au retour d'Italie, tout en observant les événements de la Révolution française, Goethe se consacre d'abord à ses travaux scientifiques et à la direction du nouveau théâtre de Weimar, inauguré en 1791. Il reprend son projet de roman en 1794. Sous le titre Les Années d'apprentissage de Wilhelm Meister, il paraît en 1795-1796.

<it>Mignon</it>, W. Schadow - crédits : AKG-images

Mignon, W. Schadow

Cette fois, Goethe adopte une position plus distanciée par rapport à l'action et à la « vocation théâtrale » de son personnage. La composition du roman est ample et compliquée, unifiée par un style harmonieux qui a donné à la prose allemande son modèle le plus classique. La féminité se présente sous le signe de l'androgyne : l'actrice Marianne paraît costumée en officier, Mignon est une femme-enfant que l'on confond avec un garçon. À la fin du roman, la mort de Mignon et le suicide du harpiste qui l'accompagnait introduisent des accents tragiques. Le livre VI, lui, est un roman dans le roman : la « Confession d'une belle âme », autobiographie et récit de conversion à la manière des piétistes, raconte un destin féminin tourmenté, mais finalement apaisé.

Alors que La Vocation théâtrale parlait surtout de théâtre, Les Années d'apprentissage condensent une somme de réflexions sur l'art, la morale et la société. Ainsi, Lothario incarne le type du réformateur libéral. Il exprime des idées proches de celles de la Déclaration d'indépendance américaine de 1776, en opposition avec les ruptures de la Révolution française que Goethe a désapprouvée depuis le début.

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Au cour du roman, Wilhelm Meister découvre que la Société de la Tour, une sorte de loge maçonnique, a tenu en main le fil de sa destinée et consigné les événements de sa vie dans une chronique (qu'il peut à présent consulter), tout en intervenant discrètement à chaque fois qu'il s'engageait dans une direction périlleuse. Ce projet éducatif, qui orientait providentiellement les événements, avec le but de conduire Wilhelm Meister à la meilleure solution de compromis entre son bonheur personnel et le principe de réalité, a permis de désigner le grand roman de Goethe comme le prototype du « roman de formation » (Bildungsroman) qui a influencé durablement la littérature de langue allemande. Les Années d'apprentissage ne sont pas un roman à thèse, même si de nombreuses lectures (celles de Hegel et de Dilthey notamment) ne se sont pas privé, à partir de son exemple, d'élaborer une théorie cohérente du roman de formation.

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<it>Mignon</it>, W. Schadow - crédits : AKG-images

Mignon, W. Schadow

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