REICH WILHELM (1897-1957)
L'engagement politique
L' engagement politique de Reich est inséparable de ses conceptions psychanalytiques. Convaincu que les problèmes et souffrances psychologiques sont la conséquence des conditions sociales, il jette dès 1929 dans Matérialisme dialectique, matérialisme historique et psychanalyse les bases d'une théorie qui allie Freud et Marx. Il visite cette même année la Russie en compagnie de sa femme Annie. Il en revient enchanté et loue le régime en place, avant de le condamner plus tard. Il milite alors activement au sein du Parti communiste allemand, une expérience amère qu'il relate dans Les Hommes dans l'État. En 1930, il quitte Vienne pour Berlin où il poursuit son activisme politique, créant la Société socialiste d'information et de recherche sexuelles. Il est également à l'origine de la fondation de l'Association allemande pour une politique sexuelle prolétarienne, plus connue sous le nom de Sexpol, qui comptera jusqu'à 40 000 adhérents. L'objectif de cette association soutenue par le Parti communiste consiste à lutter contre le capitalisme dont la morale est source de la misère sexuelle. Sa lecture des travaux de Malinowski sur la vie sexuelle des Trobriandais confirme sa thèse selon laquelle la famille occidentale patriarcale serait de nature coercitive, ainsi que son hypothèse de l'origine culturelle du complexe d'Œdipe. L'absence de désordres sexuels chez les Trobriandais le convainc que les psychoses, les névroses et les perversions sont dues au refoulement de la sexualité génitale. Plusieurs de ses ouvrages, en particulier La Lutte sexuelle des jeunes et L'Irruption de la morale sexuelle parus tous deux en 1932, ont pour objectif de proposer des outils prophylactiques afin de lutter contre l'apparition des névroses. Il reproche bientôt au Parti communiste de ne pas prendre en compte la nécessité d'une révolution sexuelle, ce qui conduira à son exclusion en 1933. Un an plus tard, en raison probablement autant de ses conceptions psychologiques que de ses engagements politiques, il n'est plus membre de l'Association psychanalytique internationale (I.P.A.). Certains historiens assurent qu'il en fut exclu, d'autres au contraire affirment qu'il coupa lui-même les ponts avec le mouvement psychanalytique.
Les élections allemandes de novembre 1932 et de mars 1933, qui permettent à Hitler d'accéder au pouvoir, poussent Reich à s'interroger sur les raisons de ce succès. Il rédige alors son plus important ouvrage politique : Psychologie de masse du fascisme qu'il publie au Danemark en 1933. Le triomphe du fascisme, dont le nazisme est la version la plus radicale, serait dû à l'irrationnel humain qui trouve ses racines dans la société bourgeoise, la répression sexuelle, la famille autoritaire, etc. Ni les engagements, ni les conceptions politiques, à l'intérêt pourtant indéniable, d'Adler, de Bernfeld, de Simmel, de Fenichel ou même de Fromm, n'offriront une réflexion freudo-marxiste aussi originale et approfondie que celle de Reich. Hormis les adlériens qui s'engagèrent dans l'expérience municipale sociale-démocrate à Vienne (« Vienne la rouge », de 1919 à 1934), aucun représentant du courant freudo-marxiste ne mettra ses idées politiques à l'épreuve de la réalité sociale.
Reich sera l'objet de virulentes attaques venant tout autant du milieu psychanalytique que des communistes. Dans la revue Partisan qu'il anime, Boris Fraenkel résume assez bien les insultes politiques dont Reich fut l'objet : « Révolutionnaire pour les réformistes, réformiste pour certains „révolutionnaires“, trotskyste pour les staliniens orthodoxes, stalinien pour les trotskystes hyper- ou infra-orthodoxes, on pourrait prolonger une énumération qui ne comporte pas ici les épithètes proprement „médicales“ ». Plusieurs[...]
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Écrit par
- Jacquy CHEMOUNI : docteur en histoire, professeur de psychologie clinique et de psychopathologie, psychanalyste
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