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CATHER WILLA (1873-1947)

Une sensibilité introspective

Avec Hamlin Garland, Sherwood Anderson et quelques autres, Willa Cather fit partie de la cohorte des écrivains qui, au tournant du xxe siècle, ont donné sa place au Middle West sur la carte américaine. Et comme chez eux, l'Ouest constitue un lieu ambigu : l'immensité de l'espace, mais aussi la petite bourgade rurale ; le monde mesquin et étriqué d'où quiconque a une âme d'artiste devra s'enfuir. Tel est le thème du Chant de l'alouette (1915), qui retrace l'envol d'une soprano depuis l'église de son pasteur baptiste de père, dans le Colorado, jusqu'au Metropolitan Opera House de New York, ou encore d'Une dame perdue (1923), qui décrit les trahisons s'abattant sur une femme influente soudain touchée par le malheur. Willa Cather avait juste vingt ans lorsqu'à Chicago, en 1893, l'historien Frederick Jackson Turner annonça que le temps de la Frontière était clos : elle appartient à la dernière génération qui l’a connue. À partir de 1918, l'hymne de naguère devient une lamentation sur un monde évanoui.

Avec le boom des années 1920, l'esprit de lucre a envahi les Grandes Plaines. Willa Cather se tourne de plus en plus vers le paysage du Sud-Ouest : ainsi évoquera-t-elle, dans La Maison du professeur (1925), les mesas du Nouveau-Mexique et leurs vestiges de civilisations indiennes disparues. Remontant de plus en plus haut dans le passé, elle écrit des romans historiques : La Mort et l'Archevêque (1927) narre, sur le mode de la fresque naïve et merveilleuse, « à la Puvis de Chavannes », l'histoire de la mission catholique à Santa Fe en 1849 ; Des ombres sur le rocher (1931), pour lequel elle obtient le prix Femina américain en 1933, évoque la forteresse de Québec à l'époque du vieux comte de Frontenac.

Pour Willa Cather, au sommet de sa notoriété en 1925, une longue éclipse commence jusqu'au jour où la critique féministe la « redécouvrira », avec Kate Chopin, Edith Wharton et d'autres, dans les années 1970. Ses grands romans du Nebraska n'auront toutefois jamais été oubliés : l'aurore sur les plaines, telle une flamme rouge qui repousse les étoiles ; le balancement de la charrette dans un océan d'herbes ; un feu de bivouac au loin, sur la Prairie, sans carte ni route. Et cette image qui est un peu sa signature : au coucher du soleil, au moment où la partie inférieure du grand disque rouge vient toucher les champs à l'horizon, une immense silhouette noire s'y découpe – l'ombre grandiose d'une charrue abandonnée au loin.

— Pierre-Yves PÉTILLON

—  ENCYCLOPÆDIA UNIVERSALIS

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Écrit par

  • : professeur de littérature américaine à l'université de Paris IV-Sorbonne et à l'École normale supérieure
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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