HEDA WILLEM CLAESZ (1593/94-entre 1680 et 1682)
Bien qu'il ait aussi peint des portraits et des tableaux religieux, Heda est surtout célèbre pour ses natures mortes : c'est lui qui, avec Pieter Claesz, a donné à la peinture haarlemoise de « repas servi » son expression la plus haute. Un portrait de lui, peint en 1678 par Jan de Bray, son concitoyen et confrère à la Guilde de Saint-Luc (où il sera lui-même mentionné pour la première fois en 1631 et où il occupera plusieurs postes importants), permet de situer, grâce à la mention « aetate 84 », sa date de naissance approximativement en 1593 ou en 1594. Il est probable qu'il est né à Haarlem, et il meurt dans cette ville. À l'encontre de Claesz, aucune œuvre des débuts de Heda n'a subsisté qui permettrait d'expliquer sa formation ; sans doute fut-elle identique à celle de Claesz (auprès de Nicolaes Gillis et de Floris van Dijck), dont il est le contemporain, et avec l'art duquel le sien présente dans son évolution de frappantes analogies. Sa première œuvre connue, une Vanité signée et datée de 1621 (musée Bredius, La Haye), où figure pour la première fois dans une nature morte hollandaise l'arsenal du fumeur, motif qui aura une belle fortune par la suite, notamment chez Pieter Claesz, est novatrice à bien des égards : par la remarquable simplification de la composition et l'effort de construction, même si l'équilibre des masses n'est pas encore trouvé, et par l'harmonie colorée de gris-bruns qui confère son unité à l'ensemble et en fait un des premiers exemples accomplis de peinture monochrome dans la nature morte hollandaise. Des années 1620, presque aucune nature morte de repas servi ne nous est restée de lui, mais des descriptions anciennes indiquent une simplification de la composition et des motifs semblable à celles qui sont contemporaines de Pieter Claesz, rapprochement que confirme la Nature morte monochrome (un déjeuner de hareng) de 1629 qui se trouve au Mauritshuis de La Haye ; cette dernière offre, en effet, une composition fortement décentrée et essentiellement formée de l'intersection d'une verticale et d'une horizontale, chère déjà à Claesz, et la même liberté de touche, certainement due à l'influence de Hals. Mais, si le repas est frugal, il est servi dans des objets raffinés (si l'on excepte le verre de bière traditionnel) comme la coupe en argent ciselé et la montre en or, symbole de tempérance, mais aussi prétexte à créer, avec le bleu pâle du ruban retenant la clé de cette dernière, un contrepoint chromatique avec l'ensemble ton sur ton ; ces objets réapparaîtront souvent dans les natures mortes de Heda et annoncent le peintre de la riche bourgeoisie aux goûts aristocratiques, alors que le choix des objets chez Claesz, comme plus tard chez Chardin, exprime un monde aisé certes, mais simple. Dès 1631, Heda a trouvé son style propre, tant par la facture lisse, faisant grand usage du glacis qui donne à ses monochromies une qualité argentée et délicate très différente de la pâte brun doré et plus riche de Claesz (Heda excelle à reproduire l'éclat doux et humide de la nacre, par exemple le nautile luisant d'une coupe en argent reflétée sur un plat du même métal, ou le dessin soyeux d'une nappe blanche damassée, ou le noir velouté du manche d'un couteau, ou encore la transparence diaphane des verres de Venise sur lesquels joue la lumière d'une fenêtre), que par la composition plus élaborée, plus clairement rythmée et plus monumentale que celle de Claesz. Les mêmes pièces de vaisselle, diversement combinées, se retrouvent dans ses natures mortes et leur composition est une infinie variation sur un même thème, dont la Nature morte à la tourte aux mûres (Dresde), signée et datée 1631, donne une première esquisse : composition dont l'axe, autour duquel rayonnent plus ou moins naturellement[...]
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Écrit par
- Françoise HEILBRUN : historienne de l'art
Classification
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