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DE KOONING WILLEM (1904-1997)

Willem De Kooning occupe une place essentielle et contradictoire dans l'histoire de l'art récent. Dans un siècle qui privilégie les positions esthétiques claires, il refuse toujours de choisir entre abstraction et figuration, pratiquant alternativement l'une et l'autre approche, souvent en contradiction avec la tendance dominante de l'époque. Dernier survivant majeur des expressionnistes abstraits new-yorkais, considéré à sa mort comme le « géant » d'un art nord-américain qui se voulait désormais autonome, il n'avait pourtant été naturalisé américain qu'en 1962 et avait toujours cherché la confrontation avec l'histoire de la peinture européenne, en particulier celle de Picasso et de Matisse, mais aussi, d'une manière plus rare à son époque, celle d'Ingres ou de Soutine. Son art trouvait également des sources importantes dans la publicité ou le cinéma, préparant ainsi la naissance du pop art au moment même où De Kooning était considéré comme l'inspirateur d'une seconde génération de l'expressionnisme abstrait.

Le geste de peindre

Né le 24 avril 1904 à Rotterdam (Pays-Bas), Willem De Kooning travaille comme apprenti dans une entreprise de peinture d'enseigne et parallèlement, entame une formation du soir à l'école des Arts et Techniques, qu'il poursuit à Bruxelles. C'est en arrivant à New York, en 1927, qu'il découvre le modernisme européen : pendant quelques années, il imite Picasso et Matisse. Comme beaucoup de ses contemporains, il participe en 1935-1936 au programme de commandes gouvernementales (Works Progess Administration et Federal Art Project) instauré par Roosevelt. Dans ce cadre, il travaille, sous la direction de Fernand Léger, à une peinture murale pour le port d'embarquement des « French Lines » de New York. Il y fait l'expérience d'une solidarité forte entre les artistes, tout en découvrant l'inadéquation de l'esthétique moderniste à des contenus expressément politiques. Sa peinture hésite alors entre un mode abstrait, fortement inspiré par Miró, et un mode figuratif, attaché à une analyse de la figure humaine semi-abstraite qui unit l'apport du cubisme à un néo-ingrisme, partagé par ses amis John Graham et Arshile Gorky, avec qui il occupe un atelier. Il se concentre, à partir de 1942-1943, sur le corps féminin, dont les éléments se désarticulent et se multiplient sans souci mimétique, tandis que les visages et les couleurs deviennent aigres ou menaçants (Pink Lady, env. 1944, coll. part.). Sa gamme de couleurs se précise : rose Pompéi, ocre jaune et bleu azur, et il réalise des natures mortes et des paysages plus abstraits .

De Kooning aboutit vers 1946 à des tableaux difficilement lisibles, abstraits d'apparence, aux figures biomorphiques, où l'enchevêtrement des formes nées de l'assemblage de fragments de papier déchirés et peints, la séparation de la couleur, qui fait appel à des tons gris neutres, et du dessin (qui culmina en 1948-1949 dans une série de toiles en noir et blanc), font songer à ce que le critique Clement Greenberg nomma un « cubisme liquéfié », expression qui ne doit pas faire oublier à quel point l'exécution et l'aspect en sont violents (Attic, 1949, Metropolitan Museum, New York).

Très vite l'artiste est caricaturé, plus encore que Pollock, comme le type même de l'expressionniste abstrait, peintre viril peignant ses pulsions sans retenue : c'est lui que le critique Harold Rosenberg prendra, en 1952, comme modèle dans son article « Les peintres d'action américains », où la toile est décrite comme une arène où s'inscrivent des actions, des gestes, qui ont plus de valeur que leur résultat esthétique.

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art, École normale supérieure de Lyon, directeur de l'Institut national d'histoire de l'art, Paris
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Média

Willem De Kooning - crédits : Ben Van Meerondonk/ Hulton Archive/ Getty Images

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