BOUGUEREAU WILLIAM (1825-1905)
Par sa formation et surtout par les étapes de sa carrière soigneusement franchies, William Bouguereau appartient à la peinture académique française qui a eu droit à tous les triomphes officiels comme au mépris et à l'oubli des historiens de l'art moderne. Après un apprentissage à l'école des Beaux-Arts de Bordeaux, le jeune peintre originaire de La Rochelle est admis à Paris dans l'atelier de Picot (1846), un des hauts lieux de l'enseignement académique où métier et carrière se préparent. Le prix de Rome, remporté en 1850, lui vaut l'indispensable séjour italien qui semble l'orienter vers les sujets historiques et religieux. Dès son retour en France, ses compositions sont remarquées et achetées par l'État ou par des collectionneurs étrangers. À la célébrité s'ajoutent les récompenses : accès à l'Institut, médailles obtenues lors des expositions, Légion d'honneur, véritable cursus honorum des arts qui consacre le talent et confère au peintre un rôle de conscience et de censeur sur l'ensemble de la production artistique soumise aux jurys dont il fait partie. Rendant, au Salon de 1877, un pédant hommage à Ingres avec sa Vierge consolatrice, il tente d'intégrer le goût néo-byzantin proche des décorations réalisées pour des églises parisiennes (Sainte-Clotilde, Saint-Augustin). On critique sa technique froide, « son sentiment est pincé », sa matière picturale est trop fine, trop « léchée ». Pourtant l'aspect de ses esquisses est beaucoup plus personnel, avec des coups de brosse fluides et des couleurs franches rappelant une certaine fougue romantique. Mais, lors de l'exécution du tableau, on applique les « recettes » de l'art officiel qui rendent le modelé plat, l'expression rigide, la touche pauvre, glacée par un vernis brillant. Substance des formes et lumière disparaissent dans une sorte de « peinture gazeuse » comme l'écrit Huysmans. Au demeurant, l'invention est médiocre et les figures se répètent : la plupart du temps des nus aux rondeurs bourgeoises ; « vers 1900, remarque Pierre Francastel, c'est Bouguereau qui donnait le frisson, qui émoustillait le bon public ». Ses défauts sont ceux de la peinture académique. Ce producteur fécond pour clientèle de riches amateurs a dominé avec d'autres peintres — comme Cabanel — l'art officiel des dernières années du siècle, au moment où luttent pour s'affirmer des artistes comme Manet ou les impressionnistes, porteurs d'une autre conception de l'art. On oublie moins aujourd'hui les peintres académiques qui ont cru transmettre — à l'exemple de Bouguereau — une vision picturale immuable au moyen d'une facture laborieuse.
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Écrit par
- Jean-Pierre MOUILLESEAUX : historien de l'art, chargé de mission à la Caisse nationale des monuments historiques et des sites
Classification
Média