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BURROUGHS WILLIAM (1914-1997)

Une écriture de l'âge électronique

Le séjour parisien de Burroughs entre 1958 et 1960, au célèbre Beat Hotel de la rue Gît-le-Cœur, se traduit par une phase intense d'expérimentations. Le peintre et poète Brion Gysin met au point la technique du cut-up (découpage). Burroughs se passionne pour les résultats de cette pratique : « Même taillé en pièces et recomposé selon la fantaisie de Bill, le texte de Rimbaud était toujours compréhensible et [...] les mots prenaient des significations nouvelles, plus fortes, plus cinglantes » (B. Gysin). Ces jeux littéraires donnent lieu à des compositions collectives qui remplacent les cadavres exquis. Burroughs emploie d'autres techniques, comme le fold-in (pliage) et les permutations. Les expériences accomplies avec Gysin seront réunies par la suite dans un volume intitulé The Third Mind (Œuvre croisée, 1976). Ce sont ces méthodes radicales qu'il met à contribution pour construire la grande trilogie élaborée entre 1960 et 1964. La Machine molle (1966) en constitue le premier volet. Il s'agit d'une épopée qui se déroule dans un labyrinthe en mouvement ou, mieux, au sein d'un kaléidoscope : des lieux réels se confondent avec des lieux imaginaires, et des figures se travestissant inlassablement sont entraînées dans le passé, le présent, l'avenir. Le Ticket qui explosa (1967) et Nova Express (1969) développent cet « univers des puissances belliqueuses ». Avec le héros-cosmonaute, nous pénétrons dans le Jardin des Délices (Dieu) avec ses Fours Nova, le foyer de tous les dualismes et de toutes les guerres, de tous les paroxysmes et de tous les phantasmes interdits, nous découvrons la Cité de Minraud, le repaire des hommes-insectes. La trilogie s'achève par une insurrection générale contre les forces coercitives, la « police biologique » ou « police Nova ».

Avec ces œuvres, Burroughs excède violemment les frontières du romanesque. Marshall McLuhan note à ce propos qu'il « tente de reproduire en prose ce dont nous nous accommodons chaque jour comme un aspect banal de la vie à l'âge électronique. Si l'existence collective doit être transcrite sur le papier, il faut employer la méthode de “non-histoire discontinue” ». La révolte transgressive, carnavalesque et millénariste animant les damnés évoluant dans ces zones troubles où dominent la terreur et l'abjection est théorisée dans un traité intitulé La Révolution électronique (1971) que Burroughs écrit après son installation à Londres. Et elle constitue le moteur d'une œuvre séparée en deux volumes, Les Garçons sauvages (1970) et Havre des saints (1973), auxquels il faut rattacher Exterminateur ! Là, Burroughs renonce aux cut-up et aux méthodes révolutionnaires qu'il a privilégiées. Il se sert de modèles comme le peep show et l'écriture hiéroglyphique. Les métamorphoses des garçons sauvages prennent une tournure dionysiaque, évoquent une danse au-dessus du volcan de l'ère moderne. Quand il rentre à New York en 1974, Burroughs entreprend un nouveau et ambitieux cycle romanesque. Celui-ci commence avec Les Cités de la nuit écarlate (1981). Trois récits distincts s'enchevêtrent : celui des pirates qui créent leur république à Libertatia au xviiie siècle, l'enquête de Clem Williamson Snide et la traversée des six cités mythiques du désert de Gobi il y a cent mille ans. Le cycle romanesque se poursuit avec Parages des voies mortes (1983). Son héros, Kim Carson, parcourt le temps, de Boulder en 1899 aux grandes plaines de l'Ouest américain jusqu'à 2001. Dans ce western métaphysique, Kim Carson « songe paresseusement à sa mission – localiser le chaînon manquant dans la chaîne de l'évolution, remonter aux racines du langage ». Il se conclut avec Les Terres occidentales (1987), qui est une version moderne du [...]

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William Burroughs - crédits : Ulf Andersen/ Hulton Getty

William Burroughs

Autres références

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