CHRISTIE WILLIAM (1944- )
Liberté et authenticité
Les recréations d'Atys, de Médée et du Malade imaginaire ont invité l'esthète à reconsidérer l'art littéraire, théâtral et musical ancien. Il n'est certes pas interdit d'aimer l'un ou l'autre de ces éléments séparément et d'étudier uniquement le texte écrit, la qualité dramatique de l'œuvre ou la valeur musicale de la partition. Mais l'approche unitaire de ce répertoire ne peut seule pénétrer authentiquement à l'intérieur de la conception artistique qui a présidé à la création d'autrefois. C'est l'un des mérites de William Christie que d'avoir proposé de tels spectacles. Notre regard sur l'art du xviie siècle s'en est trouvé modifié de manière fort heureuse.
Jusqu'à une époque récente, des musiciens français comme Lully ou Charpentier n'étaient guère que des noms, connus certes comme de grands compositeurs, mais parfaitement ignorés de la majorité des mélomanes, voire de la plupart des musiciens eux-mêmes. Cette méconnaissance n'était pas sans raisons : la tradition d'interprétation de leur musique était perdue, le goût s'était porté vers d'autres richesses, l'évolution de l'écriture avait orienté l'esthétique dans des voies radicalement nouvelles. Aussi convenait-il d'opérer des recherches musicologiques et organologiques approfondies, afin de proposer une interprétation correspondant, autant que faire se peut, aux intentions premières des auteurs, écrivains, chorégraphes, compositeurs.
L'improvisation, par exemple, désigne une opération fondamentale dans l'approche de la musique ancienne : elle était nécessaire autrefois, et devait être effectuée aperto libro – à livre ouvert. L'improvisation proposée par William Christie est collective, ce qui suppose que les instrumentistes se connaissent et travaillent ensemble depuis suffisamment de temps pour pouvoir créer, de manière extemporanée, dans le style du temps. Les chanteurs tout autant que les instrumentistes doivent s'écouter mutuellement ; une bonne improvisation de ce style est le fruit d'une maturation lente où l'analyse de la tragédie qu'il s'agit d'accompagner ou de commenter joue un rôle déterminant. Elle exige une profonde connivence de l'intelligence et de la sensibilité, qui prend corps de manière spécifique, car Les Arts florissants créent leur style propre, qui n'est pas identique à celui d'autres groupes. La personnalité de William Christie, chef d'orchestre et chef de chœur, joue ici un rôle essentiel. « Je suis sensible à un dosage particulier de rhétorique et de sensualité, dit-il. Je me méfie beaucoup des gens qui méprisent les arts mineurs dont leur champ musical est entouré, décoration, poésie ou autres. [...] Quand j'étudie une partition, ou que je regarde un tableau, je cherche, très précisément, à évoquer un contexte. La peinture comme contexte visuel de la musique, celle-ci comme complément obligé de la peinture. » Dans un esprit de liberté appuyé sur une connaissance approfondie et continuellement entretenue de l'histoire musicale, l'art de William Christie est à l'opposé de toute fermeture qui confinerait son approche du répertoire ancien à un académisme de chapelle. Mais des limites précises à la liberté doivent être fixées, car la déformation stylistique d'une œuvre crée une nouvelle œuvre, au point de transformer sa substance esthétique et pas seulement ses formes superficielles et « accidentelles ».
Authenticité, « le mot est dangereux, dit William Christie [...]. Nous essayons avec des outils précis de remettre une musique dans un contexte aussi proche que possible de celui qui a vu sa création. Quand des disques mentionnent qu'un enregistrement a été réalisé sur des instruments[...]
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Écrit par
- Pierre-Paul LACAS : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien
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