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COBBETT WILLIAM (1762-1835)

Journaliste, agitateur radical, paysan, parlementaire anglais, William Cobbett est l'un des plus brillants esprits de son temps et l'un des plus indéfinissables. Né dans une humble famille paysanne, qui lui lègue l'amour de la terre et lui permet de comprendre les angoisses des fermiers et ouvriers agricoles, c'est un autodidacte. Soldat de carrière de 1783 à 1791, il émigre ensuite en France, puis aux États-Unis. Il demeure en terre américaine à Philadelphie, puis à New York pendant huit ans : précepteur, traducteur, journaliste, avec la Porcupine Gazette, et libraire, il établit sa réputation par de vigoureuses prises de position en faveur du fédéralisme en Amérique, mais aussi contre les jacobins anglais et contre Thomas Paine. D'où, à son retour en Angleterre, un accueil des plus chaleureux dans les milieux gouvernementaux. De 1801 à 1804, il jouit des avantages d'un soutien officiel, fonde des journaux, le plus durable étant le Cobbett's Weekly Political Register, qu'il publiera jusqu'à sa mort. Il lance aussi les Parliamentary Debates, repris par Hansard en 1812. À partir de 1804, il glisse de plus en plus ouvertement vers des positions plus « radicales » tout en poursuivant sa carrière littéraire : celle-ci est marquée par la rédaction, à partir de 1806, de l'Histoire du Parlement anglais, qui comprend au total 36 volumes ; sur le plan politique, il prend le parti de certains opprimés et, ayant attaqué l'usage du fouet dans l'armée, est condamné à deux ans de prison en 1810.

Le grand tournant de sa vie coïncide avec la fin des guerres extérieures. Cobbett, qui passera encore deux années en Amérique en 1817-1819, épouse les deux causes qui le rendront célèbre. Celle de l'agriculture d'abord : les fermiers et journaliers souffrent très durement de la politique monétaire de déflation, sont souvent incapables de s'acquitter de dettes contractées au temps de l'inflation, voient chuter les prix agricoles malgré les mesures protectionnistes et paraissent les victimes des classes financières et industrielles ; Cobbett s'affirme l'avocat inlassable de leur cause, il la comprend d'autant mieux qu'il a lui-même acquis une ferme en 1821 dans la région de Kensington. Ses tournées à travers le pays inspirent les articles, véritables pamphlets, qu'il publie dans son journal et qu'il rassemblera dans les célèbres Rural Rides en 1830. L'autre grande cause est celle de la réforme parlementaire : converti aux idées avancées, au point de ramener d'Amérique les restes de Thomas Paine, il plaide pour l'extension du droit de vote et une redistribution honnête des sièges des Communes. Son talent de journaliste le désigne à la colère des conservateurs et lui vaut en 1831 un procès pour appels à la sédition : il sera acquitté par le jury. L'ambition d'accéder lui-même au Parlement après deux essais infructueux en 1820 et 1826 a pu contribuer à le stimuler ; son esprit indépendant et son égal mépris pour les tories, « qui gouvernent le pays par le fouet », et les whigs « qui l'ont empoisonné par des scorpions », n'a guère favorisé la réalisation de ses espérances. Il lui faut attendre 1832 pour être élu député de la circonscription d'Oldham. Au Parlement, il manifeste encore son tempérament individualiste par de vigoureuses attaques contre sir Robert Peel, et il s'affirme résolument comme le défenseur des intérêts agraires : c'est au lendemain d'une séance de nuit consacrée à la détresse des campagnes qu'il meurt, après être rentré dans sa ferme.

Souvent contesté de son vivant, son intégrité parfois mise en question, ses conceptions monétaires manifestement marquées du sceau de la passion plus que d'une juste analyse des besoins d'une économie saine, Cobbett est aujourd'hui[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Autres références

  • PAINE ou PAYNE THOMAS (1737-1809)

    • Écrit par
    • 766 mots

    Après avoir été successivement valet de ferme, matelot, fabricant de corsets, comptable au Trésor, percepteur et surveillant dans un collège, Thomas Paine, à qui rien jusqu'alors n'a réussi, pas même le mariage, rencontre à Londres Benjamin Franklin et, muni de recommandations...

  • ROYAUME-UNI - Histoire

    • Écrit par , et
    • 43 835 mots
    • 66 médias
    ...qui avaient accepté des baux trop coûteux et connaissent les effets de la déflation monétaire, renversent la tendance à partir de 1816 ; elles font de William Cobbett, à l'occasion de ses tournées à cheval dans le pays (Rural Rides) l'observateur génial du désastre dans les années qui précèdent...