CONGREVE WILLIAM (1670-1729)
D'une intelligence pétillante, et le plus brillant des dramaturges de la Restauration qui, après la longue censure imposée par Cromwell, surent donner au théâtre anglais un nouveau souffle, Congreve était tout à son plaisir, celui de le dire, celui d'en avoir, qu'il s'agisse du plaisir des mots ou du plaisir amoureux, avec tout leur cortège de satisfactions mais aussi de déceptions ou de faux-semblants.
William Congreve naquit à Bardsey, près de Leeds, le 24 janvier 1670. En 1674, son père rejoignit une garnison en Irlande et Congreve vécut dans ce pays jusqu'en 1688. À Dublin il entra à Trinity College en 1686 et se lia d'amitié avec Jonathan Swift qui toujours le soutint. Deux ans plus tard, de retour en Angleterre, Congreve commença, sans conviction, l'étude du droit qu'il négligea très vite au profit de la littérature, publiant en 1692 un roman à la mode, Incognita ou l'Amour et le Devoir réconciliés. Il fit alors la connaissance de Dryden qui, à la parution du Fourbe, poussa l'amitié jusqu'à le comparer à Shakespeare.
Le Vieux Garçon, donné en mars 1693 au théâtre de Drury Lane, et pour Dryden « la meilleure première pièce jamais écrite », eut un succès considérable. Plusieurs intrigues vaudevillesques s'y mêlent, le thème central était celui de l'opposition entre l'essence et l'apparence autour de la chasteté (faussement) supposée d'une dame. Le Fourbe, donné à la fin de 1693, où Congreve analyse les relations mouvantes entre la crédulité et la poursuite d'intérêts personnels, n'eut pas le même succès. Il fallut attendre L'Amour pour l'amour (1695) puis La Fiancée en deuil (1697) pour que se renouvelât l'accueil réservé au Vieux Garçon. En 1698, un pasteur, Jeremy Collier, publia un pamphlet attaquant l'immoralité du théâtre, l'idée maîtresse étant que les dramaturges montrent le vice non pour l'attaquer ou le ridiculiser mais pour le donner en exemple. Congreve lui répondit en des termes tout aussi vifs mais sa dernière pièce, Ainsi va le monde (1700), considérée comme son chef-d'œuvre, fut pourtant un semi-échec, en dépit ou en raison de l'intention explicite de l'auteur de peindre les travers mondains. Congreve cessa alors d'écrire pour le théâtre, se contentant de traductions, comme celle de Monsieur de Pourceaugnac en 1704 ou celles encore de poètes grecs et latins (Homère, Pindare, Ovide, Horace et Juvénal), et occupant de paisibles postes administratifs, tel par exemple le secrétariat aux Affaires de l'île de la Jamaïque. Très lié à la fin de sa vie à la duchesse de Marlborough avec qui il eut une fille, plus tard duchesse de Leeds, il mourut accidentellement à Londres le 19 janvier 1729.
Des pièces de Congreve, « comédies de manières » exemplaires, Virginia Woolf affirma que « toujours quelque chose s'y passe » et qu'à leur lecture l'attention est sans cesse maintenue par de fréquents effets de contrastes entre « le rire et le sérieux, l'action et la pensée », en un mot par une dynamique qui est au moins autant celle du langage et du style que celle de l'action à proprement parler. La structure de ses pièces, tout d'abord, est fondée sur l'art du contraste et du contrepoint que l'on retrouve dans la caractérisation des personnages, avec ceux qui ont de l'esprit et ceux qui, tout en en étant dénué, prétendent néanmoins en être doués. Dans sa phrase, organisée autour de paradoxes et d'antithèses, nul effet de rythme, destiné à appuyer telle intention satirique ou sympathique, n'est négligé. Certes, Congreve apparaît comme le critique à la fois cinglant et indulgent d'un milieu, la haute société qui se pressait aux représentations de ses pièces, avec ses manières et ses libertés. Il est cependant aussi reconnaissable à un phrasé, et peut-être est-il célèbre moins pour ses intrigues que pour[...]
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Écrit par
- Pascal AQUIEN : agrégé de l'Université, docteur de troisième cycle, ancien élève de l'École normale supérieure de Saint-Cloud, maître de conférences à l'université d'Amiens, École supérieure de chimie
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Autres références
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