GORGAS WILLIAM CRAWFORD (1854-1920)
William Gorgas était un médecin militaire de l’armée américaine dont il fut Surgeon General (médecin en chef) pendant la Première Guerre mondiale. Il est surtout connu pour sa contribution fondamentale à l’éradication de la fièvre jaune à la Havane entre 1901 et 1903 et au contrôle du paludisme lors de la construction du canal de Panamá entre 1904 et 1914.
William Crawford Gorgas naît le 3 octobre 1854 à Toulminville, Alabama. Son père fut général dans l’armée confédérée avant d’occuper différentes positions administratives dans des universités d’Alabama. William Gorgas fait ses études à l’université du Sud (University of the South), dans le Tennessee, et devient médecin militaire en 1880. Après être passé par divers postes, il est nommé responsable des services sanitaires (Chief SanitaryOfficer) à la Havane en 1901, après la guerre entre l’Espagne et les États-Unis et l’établissement d’un protectorat militaire américain sur la jeune république de Cuba. Le paludisme et la fièvre jaune y sont alors endémiques. Quelques années plus tôt, en 1898, une mission dirigée par le Surgeon General Walter Reed avait été envoyée sur l’île pour identifier les causes de la fièvre jaune et chercher les moyens de la contrôler. Walter Reed avait alors confirmé la découverte, déjà ancienne (1881), du médecin cubain Carlos Finlay concernant la transmission de la maladie par la piqûre d’un moustique, ici du genre Aedes. On passait ainsi de l’hygiène pasteurienne à la lutte contre l’insecte vecteur. À cette époque, on bénéficie également des connaissances dans la lutte antivectorielle acquises en particulier en Italie. C’est dans ce contexte que se situe l’intervention de William Gorgas, qui va être favorisée par l’occupation militaire de Cuba : la loi martiale restreint la circulation des personnes de zones atteintes vers les zones indemnes et le couvre-feu permet de limiter l’exposition au moustique, qui ne fait son repas de sang qu’à la nuit. La Havane est divisée en vingt districts dans chacun desquels un groupe spécialisé protège les sources d’eau potable et assèche les eaux stagnantes où l’Aedes peut pondre. De fines toiles métalliques sont tendues devant les ouvertures des maisons et des hôpitaux pour empêcher les insectes de pénétrer dans les bâtiments. Les habitations où un cas de fièvre jaune est observé sont isolées et désinsectisées (pyrèthre, soufre). Les effets de ces mesures sont spectaculaires : on passe de 492 morts de fièvre jaune chaque année entre 1890 et 1900 à 12 en 1901. En 1903, Gorgas annonce que la fièvre jaune est éradiquée à la Havane. Son succès n’est pas isolé : les mêmes méthodes donnent des résultats comparables à Rio de Janeiro sous la direction d’Oswaldo Cruz. Mais ces réussites, qui dépendent de mesures coercitives, sont instables, et la fièvre jaune ne reculera vraiment qu’avec la vaccination de masse dans les années 1930.
Fort de cette expérience et bon connaisseur des luttes antivectorielles, Gorgas est nommé en 1904 responsable du contrôle sanitaire dans la zone de construction du canal de Panamá où fièvre jaune et paludisme sont également endémiques. Des méthodes voisines de celles mises en œuvre à Cuba sont utilisées, complétées par une politique de grands travaux pour rejeter les eaux stagnantes loin du chantier. Cette politique de lutte antivectorielle est inspirée des pratiques italiennes de traitement des marais. Le résultat est de même ampleur qu’à la Havane – ce qui permet la complétion du canal en 1914 –, mais instable également puisqu’il ne tient qu’en raison de la pression sanitaire exercée. En outre, à cause des grands travaux hydrauliques, le paludisme s’est établi et développé au-delà de la zone du canal.
Dans l’histoire de la lutte antivectorielle, Gorgas illustre ce qu’apporte une organisation[...]
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
Classification
Médias