HOWELLS WILLIAM DEAN (1837-1920)
Romancier, directeur de revue, critique et théoricien littéraire, ami et guide de nombreux écrivains, William Dean Howells occupe une place importante dans les lettres américaines, à la fois par sa production personnelle et par son rôle historique.
Il commence par écrire des récits qui se distinguent surtout par une certaine fadeur intimiste ou romanesque. Puis, vers le milieu des années 1880, une mutation s'opère en lui, qui va changer le visage de son œuvre. Les facteurs sous-jacents à cette prise de conscience sont multiples : la découverte des misères et des injustices de la société urbaine, la lecture de Tolstoï, où Howells découvre un socialisme d'inspiration chrétienne, l'exécution des « anarchistes » du mouvement du 1er mai 1886 (manifestation de Haymarket), qui va à l'encontre de sa conception d'une démocratie américaine. Après The Rise of Silas Lapham (1885), dont le sujet est déjà le self-made man, mais où la critique sociale reste encore très insignifiante, il publie, entre autres œuvres, A Hazard of New Fortunes (1892), sans doute son meilleur livre, qui traite non seulement des problèmes de la richesse et de la pauvreté, de la grève et des mécanismes de défense du capitalisme, mais aussi de la situation mercenaire de l'écrivain et de son aliénation. L'ouvrage tente également de proposer des solutions, ici le collectivisme. La même préoccupation se retrouvera d'ailleurs au centre de A Traveller from Altruria (1894), utopie sur la société sans classe.
En réalité, les fondements idéologiques du socialisme de Howells sont assez faibles, comme en témoigne sa conception de la formation des classes sociales. Le passage à l'égalité sociale reste également des plus flous, et Howells est toujours tenté de voir la solution aux maux de la société dans des valeurs comme la courtoisie, la bonne volonté, voire la rédemption individuelle.
Enfin, ce théoricien du réalisme, et d'un réalisme spécifiquement américain, demeure marqué par la « tradition distinguée » et apparaît donc souvent comme un peu timoré et démodé dans sa manière, ne serait-ce qu'en raison de sa pruderie. Mais son rôle a été immense. Il a influencé, poussé, découvert ou reconnu des écrivains comme Crane, Norris ou Veblen, qui devaient aller beaucoup plus loin que lui tant dans l'écriture réaliste que dans la révolte.
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Écrit par
- Jean-Paul ROSPARS : agrégé de l'Université, maître assistant à l'Institut Charles-V, université de Paris-VII-Denis-Diderot
Classification
Média