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DU BOIS WILLIAM EDWARD (1868-1963)

Écrivain et militant noir américain, William Edward Burghardt Du Bois est né le 23 février 1868 à Great Barrington (Massachusetts).

Il sort diplômé de l'université Fisk, institution réservée aux Noirs, de Nashville (Tennessee), en 1888. Il obtient un doctorat à Harvard en 1895. Sa thèse, intitulée « La suppression de la traite négrière aux États-Unis de 1638 à 1870 », est publiée en 1896. À une époque où les sociologues élaborent des théories sur les relations entre les races, Du Bois mène des recherches empiriques sur la condition des Noirs. Pendant plus de dix ans, il se consacre à ses investigations sociologiques sur les Noirs américains, tandis qu'il enseigne à l'université d'Atlanta (Georgie). Il rédige ainsi The Philadelphia Negro ; A Social Study (1899), première étude de cas portant sur la communauté noire aux États-Unis.

Du Bois est d'abord convaincu que les sciences sociales peuvent permettre de résoudre la question raciale. Mais il en vient progressivement à penser que dans un climat de racisme virulent, s'exprimant par des lynchages, le péonage, la privation du droit de vote, les lois ségrégationnistes Jim Crow et des émeutes raciales, le changement social ne peut venir que de l'agitation et de la protestation. Il s'oppose en cela au leader noir le plus influent de l'époque, Booker T. Washington. Ce dernier défend une doctrine de l'adaptation, encourageant les Noirs à accepter la discrimination pour un temps et à s'élever par le travail et l'ascension économique, afin de gagner le respect des Blancs. En 1903, dans son célèbre ouvrage The Souls of Black Folk (Âmes noires), Du Bois déclare que la stratégie de son rival ne libère pas l'homme noir de l'oppression mais se contente de la perpétuer.

Dès 1905, il fonde le mouvement de Niagara, qui vise essentiellement à attaquer les partisans de Booker Washington. Cette petite organisation, qui se réunit tous les ans jusqu'en 1909, est considérablement affaiblie par des querelles internes. Elle constitue cependant l'embryon idéologique de l'Association nationale pour le progrès des gens de couleur (National Association for the Advancement of the Colored People, N.A.A.C.P.). Du Bois participe à la fondation de cet organisme en 1909. Il devient le rédacteur de sa revue mensuelle : The Crisis. Il exerce ainsi une influence inégalée sur les Noirs de la classe moyenne et les Blancs progressistes en faisant de la propagande pour le mouvement de protestation noir de 1910 à 1934.

Le nationalisme noir de Du Bois prend différentes formes. Pionnier dans la défense du panafricanisme, il est convaincu que toutes les personnes d'origine africaine doivent œuvrer de concert pour obtenir leur indépendance. Il est ainsi l'un des organisateurs de la première Conférence panafricaine, à Londres en 1900, et l'architecte des quatre Congrès panafricains tenus entre 1919 et 1927. Il développe en outre un nationalisme culturel. En tant que rédacteur de The Crisis, il encourage la littérature et l'art noirs. Il pense enfin que les Noirs doivent mettre au point une économie de groupe distincte, fondée sur des associations de producteurs et de consommateurs afin de lutter contre la discrimination économique et la pauvreté noire. Cette doctrine deviendra particulièrement importante lors de la Grande Crise des années 1930 et provoquera une querelle idéologique au sein de la N.A.A.C.P.

Du Bois quitte la rédaction du mensuel The Crisis et la N.A.A.C.P. en 1934, accusant cette dernière de défendre les intérêts de la bourgeoisie noire et d'ignorer les problèmes des masses. Son intérêt pour les coopératives vient de son penchant pour le marxisme. Si, à la fin du xixe siècle, il défendait un capitalisme noir, il se tourne vers les doctrines socialistes à partir 1905. Il n'adhère que brièvement au Parti socialiste[...]

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Écrit par

  • : professeur de sociologie et d'histoire, chargé de recherche au centre de régionalisme urbain de l'université d'État de Kent, l'Ohio

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