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EGGLESTON WILLIAM (1939- )

Un regard démocratique

Depuis lors, l'édition de portfolios et de livres de photographies ponctue son parcours. Le William Eggleston's Guide, première publication en couleurs du MoMA, qui accompagnait l'exposition de 1976, comportait quarante-huit images choisies parmi les soixante-quinze présentées. Peu après, Eggleston recevait une commande du magazine Rolling Stone pour accompagner la fin de la campagne électorale de Jimmy Carter dans son fief, la ville de Plains en Georgie. Cela donnera naissance à l'édition, en cinq exemplaires, de deux volumes de cent tirages intitulés Election Eve (1977). Durant les années 1980, alors qu'il répond à diverses commandes – dont celle d'un portfolio sur Graceland, la maison d'Elvis Presley à Memphis, édité en 1984 –, Eggleston se lance dans un projet majeur : The Democratic Forest rassemble plus de dix mille tirages, réalisés aux États-Unis et en Europe, et dont seront extraites cent cinquante images publiées sous ce titre, en 1989.

Photographier « démocratiquement » est une idée qu'Eggleston revendique. Pour lui, qui aime faire référence à son ami Garry Winogrand (1928-1984), tout sujet est bon à photographier. Le tricycle d'un enfant, une route, un chien, une station-service, une douche, l'intérieur d'un four ou d'un congélateur, une carrosserie de voiture, une enseigne publicitaire, un bouquet de fleurs sont autant de motifs ordinaires qui suscitent son intérêt. Combiné à l'usage de la couleur, le choix de ce type de sujets entretient une affinité avec les clichés instantanés d'amateurs (snapshots). Mais sous cette référence à une pratique non artistique, Eggleston procède avec son expérience de peintre combinée à sa technique de photographe : il réalise des photographies en couleurs parfaitement maîtrisées, du cadrage à l'organisation chromatique. La force de ses photographies tient à l'association étroite du point de vue, de la composition et du jeu des couleurs.

Comme l'a écrit John Szarkowski dans le texte d'introduction au Guide paru en 1976 : « Dans ces photographies, forme et sujet ne font qu'un. » Les cadrages du photographe miment la maladresse des amateurs : « Je suis en guerre contre l'évidence », déclare-t-il à la fin de The Democratic Forest. Eggleston affectionne les structures en X avec un point central, dont il explique qu'elles font référence au drapeau des États confédérés. Ou bien, au contraire, il vide le centre de tout motif. Enfin, il adopte souvent des points de vue à hauteur des objets, ou bien ce qu'il qualifie de « point de vue d'un insecte », en cadrant ses motifs sans utiliser le viseur. Pour lui, il s'agit avant tout de « montrer la vie dans le temps présent ». Si ses photographies racontent le quotidien, elles en révèlent bien souvent l'étrangeté. Si ses sujets sont vulgaires, ils peuvent devenir poétiques. Quant à la présentation de ses tirages sous la forme de dye-transfer, elle joue elle aussi sur l'ambiguïté de conférer à une iconographie triviale une valeur esthétique qui les fit ironiquement qualifier de « snapshots chics » par le critique new-yorkais Hilton Kramer, en 1976.

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Média

Memphis (Tricycle), W. Eggleston - crédits : Y. Bresson/ Musée d'art moderne, Saint-Etienne-Métropole

Memphis (Tricycle), W. Eggleston

Autres références

  • PHOTOGRAPHIE (art) - Un art multiple

    • Écrit par et
    • 10 750 mots
    • 20 médias
    ...a immédiatement séduit le domaine des amateurs, investi le fine art à travers les signatures des Américains Stephen Shore, Joel Meyerowitz, William Eggleston, Neal Slavin, du Français Hervé Gloaguen et, dans des tonalités pastel, de l'Italien Luigi Ghirri. Concurrencée par une télévision...