SHARPE WILLIAM FORSYTH (1934- )
L'Académie royale des sciences de Suède a décerné, le 16 octobre 1990, le prix Nobel de sciences économiques à trois professeurs américains, Harry Markowitz, Merton Miller et William Sharpe.
Même si les travaux récompensés étaient déjà anciens et se situent pour l'essentiel entre 1950 et 1970, l'Académie a jugé que les lauréats étaient des « novateurs dans le domaine de la théorie de l'économie financière et du financement des entreprises ». Ils ont en effet tous contribué à faire sortir de l'ombre de quelques universités américaines, une nouvelle discipline, la finance. C'était la première fois que l'Académie royale de Suède récompensait des travaux traitant des marchés boursiers et de la gestion de portefeuilles plutôt que des grands équilibres économiques.
William Sharpe, de l'université Stanford, fut récompensé pour son « modèle d'équilibre des actifs financiers » et pour ses travaux sur « la théorie de la formation des prix des avoirs financiers ».
William Sharpe a engagé ses recherches dans la voie ouverte par Harry Markowitz. Ce dernier avait en effet élaboré une procédure complexe de sélection des titres boursiers afin d'optimiser un portefeuille de placements. Mais la mise en œuvre de ce modèle a très vite posé des problèmes d'ordre pratique, au point que la collecte des informations nécessaires et leur traitement devenaient presque impossibles avec les ordinateurs disponibles dans les années 1960.
C'est la raison pour laquelle William Sharpe se mit à chercher une méthode de sélection des portefeuilles efficients plus simple. Il découvre que les variations de la rentabilité de chaque titre sont liées, linéairement, à la variation du marché dans son ensemble, mesurée par l'indice du marché concerné (par exemple l'indice Standard & Poor 500 aux États-Unis, ou le C.A.C. 40 en France). Le nombre de statistiques nécessaires s'en est trouvé fortement réduit : 302 statistiques au lieu de 3 150 dans le modèle Markowitz pour 100 titres, 602 au lieu de 20 300 pour 200 titres et 1 002 au lieu de 125 750 pour 300 titres, le calcul fut aussitôt facilité.
C'est à partir de ce concept, simple en apparence, que Sharpe découvre ensuite le fameux coefficient Bêta reliant la rentabilité d'un titre à celle de l'indice du marché et constituant une mesure du risque associé à la volatilité du marché.
Au-delà de leur apport pratique, les travaux de Sharpe ont contribué de façon décisive à la formulation d'une théorie de la formation des cours des actifs financiers plus connue sous le nom de modèle C.A.P. (Capital Asset Pricing) ou, en français, de « modèle d'équilibre des actifs financiers » (Medaf). Ce modèle, qui se fonde lui aussi sur la théorie de Markowitz, montre en particulier qu'aucun investisseur ne devrait réaliser de meilleure performance que celle obtenue par la combinaison d'un « portefeuille de marché » (contenant tous les titres risqués) et d'opérations de prêt ou d'emprunt. Il permet aussi, sous certaines conditions, de mesurer les performances des Sicav et des fonds communs de placement à l'aide d'un indicateur (le coefficient Sharpe) qui tient compte à la fois de leur rentabilité et de leur risque.
Les travaux de Harry Markowitz et William Sharpe sont indissociables et c'est la raison pour laquelle leurs auteurs furent reconnus par le jury du Nobel comme les « pères fondateurs » de la gestion de portefeuilles et du corps doctrinal sur lequel elle se fonde.
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Écrit par
- Françoise PICHON-MAMÈRE : maître de conférences, université Paris-Sorbonne
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