FORSYTHE WILLIAM (1949- )
Un artiste de son temps
Forsythe s'inscrit dans les grands courants artistiques de son époque : arts plastiques, architecture, performance. En plus de son activité dans le ballet avec des pièces composites et d'autres qui relèvent de la danse pure comme Herman Schmerman(T. Willems, 1992), The Room As It Was (T. Willems, 2002) ou One Flat Thing, Reproduced(T. Willems, 2000), où le mouvement est contraint par une vingtaine de grandes tables métalliques, Forsythe crée des installations architecturales avec Daniel Libeskind en Allemagne, Artangel à Londres, Creative Time à New York, City of abstract à Paris en 2003 et en 2006 une autre au musée du Louvre inspirée du dernier tableau de Bacon. « Réunir, dans le cadre d'une installation publique, des gens qui vont, en fonction de leurs déplacements, modifier le dispositif, est pour moi un concept chorégraphique. »
Dans cette même ligne de pensée, Forsythe développe des installations chorégraphiques astucieuses – qu’il appelle objets chorégraphiques – qui mettent en mouvement des objets révélant des procédés utilisés en chorégraphie comme le contrepoint ou les déplacements induits par un jeu de forces contradictoires. Citons ScatteredCrowd (2002), qui réunit dans une pièce des milliers de ballons flottant dans l’espace, et Nowhereand Everywhere at the Same Time No 2 (2013), qui rassemble jusqu’à quatre cents pendules de plomb suspendus chacun au bout d’un fil et qui adoptent tous le même mouvement de balancement, mais dans un temps décalé. En entrant dans ces installations, le visiteur devient acteur, se promène au milieu des ballons ou bouge au rythme des pendules pour se frayer un chemin.
À partir du début des années 2000 et de sa pièce Kammer/Kammer, William Forsythe n’utilise plus le vocabulaire classique. Tous ses ballets sont alors créés à partir de processus d’improvisation complexes réalisés avec ses danseurs. On peut citer Human Writes (2005), Heterotopia (2006), Yes we can’t (2010), I Don’t Believe in Outer Space (2008). Whole in the Head et Stellentstellen(2012).
Attaché à disséquer les processus à l’œuvre dans la chorégraphie, Forsythe a mis en place, en 1994, un outil disponible sur Internet pour aiguiser l’œil à l’analyse chorégraphique. Intitulé « Improvisation technologies »et mis au point avec le Centre d’art et de technologie des médias de Karlsruhe (Allemagne), ce programme examine dans tous les détails la construction du mouvement, en particulier le rapport à l’espace et à la géométrie développé par cet artiste. En 2009, il invente une nouvelle application, « Synchronous Objects for One Flat Thing, reproduced », en partenariat cette fois avec l’université de l’État de l’Ohio, qui permet de développer une partition informatique révélant l’organisation des principes de la chorégraphie et démontrant ses possibles utilisations pour d’autres disciplines (le dessin, le design ou l’architecture).
En 2014, il quitte la direction de la compagnie qu’il a fondée en 2005 pour des raisons de santé et va enseigner à la Glorya Kaufman School of Dance de l’université de Californie du Sud, à partir de l'automne 2015. Entre-temps, l’édition 2014 du festival d’Automne, à Paris, lui consacre un « portrait » qui réunit une dizaine de pièces de son répertoire, dont Study #3 sa dernière création (2012).
En inventant une danse expérimentale mais vivante, William Forsythe a su donner une nouvelle dimension à l’art chorégraphique. Sa démarche correspond à l'idée de responsabilité individuelle de l'artiste telle qu'elle s'exprime en ce début du xxie siècle. En jouant de tous les procédés et des multimédias, ses pièces disent les fractures de notre monde.
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Écrit par
- Bernadette BONIS : journaliste dans le domaine de la danse
- Jean-Claude DIÉNIS : journaliste dans le domaine de la danse
- Agnès IZRINE : écrivaine, journaliste dans le domaine de la danse
Classification
Média
Autres références
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BALLET
- Écrit par Bernadette BONIS et Pierre LARTIGUE
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