MEANY WILLIAM GEORGE (1894-1980)
Ce n'est que quelques mois avant sa mort que William George Meany se résolut à quitter, au mois d'août 1979, à l'âge de quatre-vingt-cinq ans, la présidence de la centrale syndicale américaine American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations (A.F.L.-C.I.O.).
Il avait régné sur la centrale pendant trente-six ans, ayant eu la carrière caractéristique d'un syndicaliste américain. Apprenti plombier – il y fallait l'accord syndical –, puis compagnon, il a très vite assumé des charges syndicales dans l'organisation des plombiers.
À quarante ans, il devient président de la Federation of Labor de New York puis, en 1940, secrétaire national et trésorier de l'A.F.L., dont il assume la présidence en 1952. Celle-ci, qui réunissait principalement des syndicats de métiers, était en concurrence avec le C.I.O., quoique celui-ci représentât avant tout les branches d'industrie. George Meany, avec Walter Reuther, président du C.I.O., va entreprendre ce qui reste le haut fait de sa vie syndicale : la réunification du mouvement ouvrier américain. Celle-ci est réalisée en 1955. Meany devient président de l'A.F.L.-C.I.O (dont Walter Reuther est le vice-président). C'est alors, pour le syndicalisme américain, une période de forte croissance qu'avait déjà stimulée la perspective de réunification : 16 millions de syndiqués, représentant le tiers environ des ouvriers et employés en 1955.
Ce chiffre peut sembler faible à côté de ceux qui étaient relevés en Allemagne fédérale, au Japon ou en Grande-Bretagne à la même époque, mais il représentait un maximum pour les États-Unis. On oublie parfois, en effet, que l'histoire sociale américaine est une des plus agitées et des plus sanglantes du monde occidental et que les heurts entre patronat et ouvriers ont été particulièrement nombreux et violents. La tradition antisyndicale est bien établie, au point qu'actuellement encore il reste difficile de se syndiquer.
Aussi cette période de force tranquille du syndicalisme américain, au milieu des années 1950, correspond-elle à la possibilité d'obtenir de nombreux avantages. Outre les classiques avantages salariaux, l'A.F.L.-C.I.O. pousse ses revendications sur la formation, le salaire minimal, l'hygiène et la sécurité, ainsi que sur la lutte contre la discrimination raciale. Les résultats seront mitigés. D'autant plus que le Congrès, point toujours pressé de passer la législation sociale correspondant à ces exigences et plus proche du patronat que du syndicat, entreprend d'étudier les liens... entre la mafia et les syndicats. Ces liens n'étaient que trop réels, par le biais des énormes fonds de retraite gérés par le syndicats : trois d'entre eux (dont le fameux syndicat des camionneurs de Jimmy Hoffa) sont expulsés de l'A.F.L.-C.I.O. Ces scandales ternissent l'image de celle-ci, par ailleurs mal remise des cicatrices laissées par le débat sur le rôle des communistes dans l'organisation. Rôle pourtant mineur, mais que la chasse aux sorcières met en évidence. Les communistes sont expulsés des syndicats où ils étaient implantés : l'A.F.L.-C.I.O. est « purifiée », mais elle a ainsi perdu une partie de son potentiel militant. L'anticommunisme devient une pièce maîtresse du discours syndical américain. Il sert aussi à dissimuler les problèmes de fond mais ne réussit pas à les éliminer : jusqu'à quel point le syndicat doit-il être contestataire ? jusqu'où doit-il pousser ses revendications ? Le désaccord persiste et s'aggrave. Walter Reuther, qui souhaitait adopter des positions plus militantes, finit par quitter l'A.F.L.-C.I.O. en 1968, avec le syndicat qu'il dirige, le United Auto Workers. C'est une lourde perte pour l'A.F.L.-C.I.O. à laquelle échappe un syndicat « propre », puissant, bien dirigé et efficace. Dès lors, elle ronronne, se manifestant davantage par le soutien qu'apporte George[...]
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Écrit par
- Marie-France TOINET : directeur de recherche au Centre d'études et de recherches internationales de la Fondation nationale des sciences politiques
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