HOGARTH WILLIAM (1697-1764)
Graveur de formation, William Hogarth se voulut avant tout un peintre dont l'ambition était d'égaler, voire de surpasser les modèles italiens et français, qui paraissaient inaccessibles, dans sa jeunesse, aux yeux de la plupart des artistes britanniques, une opinion partagée par un large public. Sa célébrité, depuis deux siècles, s'est pourtant essentiellement fondée sur ses estampes, dont la force ne s'est pas atténuée avec le temps, et qui sont devenues emblématiques de l'Angleterre du xviiie siècle au même titre que, plus tard, celles de Gillray, de Rowlandson ou de Cruikshank. Mais Hogarth a aussi pleinement réussi, par ses œuvres comme par son action militante, à faire naître ou renaître outre-Manche une école de peinture autochtone, dont il est l'un des plus éminents et caractéristiques représentants. Ne fut-il pas, d'ailleurs, un Anglais typique jusqu'à la caricature, nationaliste, francophobe, attaché aux libertés publiques et au système politique de monarchie parlementaire dont se dote alors son pays, participant pleinement à l'essor économique, aux mutations sociales et aux débats intellectuels de l'Angleterre géorgienne ? Mais si ses œuvres constituent souvent de précieux documents historiques, son art ne se restreint pas à la seule illustration de son époque.
L'homme de Londres
Hogarth passa pratiquement toute sa vie dans la capitale britannique, où il était né en 1697 et où il mourut en 1764. Ses œuvres, où il a parfois directement intégré des scènes traditionnelles de la vie londonienne, reflètent par bien des aspects l'attachement qu'il porta toujours à cette ville vivante et multiforme qui sert de cadre, aisément reconnaissable, à nombre de ses compositions. Devenue l'une des principales métropoles économiques de l'Europe, Londres était également le centre de la vie artistique anglaise. La carrière de Hogarth s'en trouva sans aucun doute facilitée. Il y trouva d'abord ses maîtres, les meilleurs qu'il pût alors fréquenter en Grande-Bretagne, et s'intégra rapidement à une communauté de peintres, de graveurs et de sculpteurs, mais aussi d'écrivains, d'hommes politiques, de pamphlétaires ou de mécènes influents dont certains devinrent ses amis. Sa carrière ne s'expliquerait pas sans ces multiples connexions qui relayèrent (ou combattirent) ses initiatives. Hogarth participa ainsi, alors même qu'il était encore assez peu connu, à la décoration des jardins de Vauxhall (1729-1732), lieu de rencontre de la société londonienne élégante, dont le propriétaire, Jonathan Tyers, fit, par les commandes qu'il passa à divers artistes, l'un des lieux les plus représentatifs du rococo anglais. Il en alla de même pour un autre ensemble significatif auquel il prit une part active : l'hospice des enfants trouvés, le Foundling Hospital, fondé en 1739 par son ami le capitaine Thomas Coram. C'est d'ailleurs lors d'un des banquets annuels du comité directorial de cet hospice, dont il était l'un des « gouverneurs », qu'il développa son idée d'une exposition publique et régulière des artistes londoniens, prélude à la fondation de la Royal Academy sur le modèle de l'Académie royale de peinture et de sculpture de Paris. Si celle-ci ne fut créée qu'en 1768, quatre ans après la mort de Hogarth, ce dernier n'en est pas moins à son origine (il était membre de la Society of Artists), ne serait-ce que par l'académie privée, la Saint Martin's Lane Academy, qu'il institua en compagnie d'autres peintres en 1735 avec le matériel hérité de son beau-père, le peintre d'histoire James Thornhill.
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Écrit par
- Barthélémy JOBERT : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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