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KLEIN WILLIAM (1928-2022)

« Le geste de photographier est pour moi un moment de transe où l'on peut saisir plusieurs centaines de choses qui se passent en même temps et que l'on sent, que l'on voit, consciemment ou non. » Ces propos de William Klein décrivent assez bien le sentiment que l'on ressent devant ses photographies, qui nous montrent, le plus souvent, des scènes de rue, toutes en mouvement, foisonnantes et pourtant organisées, déformées et aléatoires autant que rigoureuses et concentrées : images de foules, puzzles de visages, flux de gestes multiples, pleins d'une violence et d'une angoisse à peine contenues, le tout dans des tirages à grains, très noirs, avec des flous de bougé durs et marqués.

William Klein - crédits : Maximilien LAMY/ AFP

William Klein

Né à New York le 19 avril 1928, vivant à Paris à partir de 1948, peintre (d'abord), puis photographe, cinéaste, graphiste, photographe à nouveau, cinéaste encore, toujours indépendant, guidé par les hasards et ses impulsions, voyageant sans cesse entre les médias et d'une ville à l'autre, dont il tire chaque fois un livre d'images fortes (tétralogie New York, 1956 ; Rome, 1958 ; Moscou, 1964 ; Tokyo, 1964), Klein est sans conteste, et dans tous les sens du terme, un « photographe du bougé ». Jamais en place, toujours ailleurs, toujours plus loin, toujours plus vite.

On a souvent dit de Klein qu'il était inclassable, dérangeant, qu'il marchait à contre-courant, etc. C'est que son rapport à la photo est d'abord physique et total. Procédant par corps à corps avec le réel, Klein, dès les années 1950, a fait descendre la photo dans la rue. Il travaille par phases intensives, par décharge, opère par déclenchement ininterrompu, use du grand angle et du flash, s'immerge dans les choses, la foule, les visages et – c'est là le miracle – parvient à cadrer le chaos, à mettre le désordre dans l'image, avec une vitalité intense et un sens extrême de la fulgurance.

Pour lui, la photographie n'a jamais été une fin en soi, seulement un moyen comme un autre de vivre dans les mouvements du monde. Après des études de sociologie à Paris, après un passage par des ateliers de peintres (il travaille avec Fernand Léger dès son arrivée à Paris) et quelques expositions (Bruxelles, Milan en 1950-1951), il découvre la photo. En 1954, de retour à New York, il fait pendant huit mois intensifs son Journal photographique dans les rues (publié au Seuil par Chris Marker en 1956). Le livre, dont il a assuré toute l'architecture (texte, photo et maquette), suscite beaucoup de polémiques. Engagé à Vogue pour réaliser des photos de mode, il continuera ses travaux personnels et sortira successivement les livres Rome, Moscou et Tokyo, construits sur les mêmes principes.

Au gré des circonstances et de ses envies, Klein avait déjà touché au cinéma (en 1958, son premier court métrage : Broodway by Light, fondé sur les enseignes lumineuses de la grande artère new-yorkaise). À partir des années 1962-1964, il délaissera de plus en plus la photographie pour se consacrer davantage au cinéma, réalisant de nombreux films, dont les plus célèbres sont ceux sur le boxeur Cassius Clay (Cassius le Grand, 1964-1965, et Muhammad Ali the Greatest, 1974), ou celui intitulé Qui êtes-vous Polly Maggoo ? (1965-1966), qui a obtenu le prix Jean Vigo ; Mr. Freedom (1969), « film-pamphlet-bande dessinée sur l'Amérique-Ubu », et Grands Soirs et Petits Matins (1968-1978) sur les événements de Mai-68.

À partir de la fin des années 1970 se manifeste, aux États-Unis et en France, un grand retour de la photographie. On redécouvre alors les photos de Klein. Nouvelles photos (en couleurs), grandes expositions (Arles, 1978 ; New York, 1980 ; et surtout celle du Centre Georges-Pompidou à Paris en 1983), importantes publications (dont la monographie chez Aperture à New York, désavouée par Klein, ou le gros catalogue du[...]

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Écrit par

  • : enseignant-chercheur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Média

William Klein - crédits : Maximilien LAMY/ AFP

William Klein

Autres références

  • PHOTOGRAPHIE (art) - Un art multiple

    • Écrit par et
    • 10 750 mots
    • 20 médias
    ...Delpire, expose les instants absurdes d’un quotidien à la fois haché et monotone, et d'autant plus vécus qu'ils ont moins de sens. En 1956, le New Yorkde William Klein, publié lui aussi en France, donne un ton neuf au reportage par le recours à l'instantané, au gros plan et à la violence des contrastes....