VICKREY WILLIAM SPENCER (1914-1996)
Les jurés du prix Nobel d'économie décerné en 1996 ont relevé dans leurs attendus que les deux lauréats, l'octogénaire canadien William Spencer Vickrey (quatre-vingt-deux ans) et son cadet britannique James Alexander Mirrlees (soixante-deux ans) avaient permis de mieux comprendre le fonctionnement de multiples secteurs où l'information est incomplète : marché des assurances et du crédit, mécanismes d'enchères, systèmes fiscaux par exemple. Il revient à William Vickrey d'avoir jeté les bases de la théorie des enchères. Il s'est également intéressé aux problèmes que rencontre l'État dans les tâches qui lui incombent, la collecte de l'impôt comme la tarification de services publics.
William Vickrey, professeur émérite à l'université de Columbia (New York) et premier Canadien à recevoir le prix Nobel, est mort trois jours à peine après l'annonce de sa récompense. Ses proches assurent qu'il n'a pas supporté la pression psychologique qui s'exerce inévitablement sur les lauréats en pareille circonstance.
Né en 1914 à Victoria dans l'île de Vancouver (province de la Colombie-Britannique au Canada), Vickrey obtient une licence ès sciences en 1935 à l'université Yale (Connecticut) et débute sa carrière comme conseiller fiscal et consultant auprès des autorités de la ville de New York. Il soutient sa thèse une dizaine d'années plus tard et commence alors une nouvelle carrière à l'université de Columbia où il restera toute sa vie. On a souvent dit que sa démarche n'était pas sans rappeler celle des « ingénieurs économistes » français qui, de Jules Dupuit à Maurice Allais (Prix Nobel 1988), savaient appliquer leurs analyses théoriques, abstraites et formelles, aux différents domaines de l'économie publique.
En mars 1961, Vickrey publie dans le Journal of Finance un article essentiel « Counterspeculation, actions and competitive sealed tender's » sur le mode de fixation des prix lors de processus d'enchères, par exemple le prix sur adjudication des bons du Trésor ou des œuvres d'art. Il explique que si on décide d'attribuer un objet par le système des enchères, c'est qu'il existe a priori des asymétries d'information. Le vendeur ignore a priori le montant que chaque acquéreur est disposé à payer, il ignore en conséquence le paramètre essentiel de l'échange.
Du côté des acquéreurs, chacun connaît sa propre évaluation et sait jusqu'où il peut enchérir, mais il ignore les intentions des autres. Comme l'acheteur a souvent tendance à sous-estimer la valeur réelle de l'objet, il est tenté de ne pas aller au maximum de la contrainte budgétaire qu'il s'est fixé, et ce comportement est identique chez les autres acquéreurs.
La fixation du prix va précisément dépendre de ce processus complexe d'interactions en situation d'information incomplète ainsi que de la nature et de la manière dont se déroulent les enchères : enchères montantes ou descendantes, en temps limité (« à la bougie ») ou illimité, à la criée dans les salles des ventes ou à prix cachés dans les adjudications sur appels d'offres.
Vickrey montre que ces interactions peuvent faire l'objet d'une modélisation mathématique dont il tire des théorèmes fondamentaux applicables à différentes formes d'enchères. Il préconise notamment un mécanisme connu dans la littérature spécialisée sous le nom « d'enchères à la Vickrey » ou « enchères au second prix ». Dans ce procédé, les prix sont cachés et les enchérisseurs déposent des offres scellées. L'objet sera attribué à l'acquéreur ayant offert le prix le plus élevé, mais il ne paiera cependant que le prix de l'avant-dernière offre la plus élevée. Ce système a le mérite d'inciter les enchérisseurs à annoncer le « vrai prix » qu'ils sont prêts à débourser et permet ainsi[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Françoise PICHON-MAMÈRE : maître de conférences, université Paris-Sorbonne
Classification
Autres références
-
INTERVENTION DE L'ÉTAT, économie
- Écrit par Dominique HENRIET et André PIETTRE
- 10 809 mots
Dans des contributions des années 1950, William Spencer Vickrey et John Harsanyi ont formalisé cette idée de voile d'ignorance. D'une certaine manière, tout se passe comme si le « juge », ou le décideur, se plaçant dans la situation originelle, se trouvait devant un problème de décision dans un contexte... -
MICROÉCONOMIE - Incitations et contrats
- Écrit par Bernard SALANIÉ
- 6 259 mots
William Vickrey, Edward Clarke et Theodore Groves ont imaginé une procédure « non manipulable » qui porte leurs noms et qui permet de prendre une décision optimale à propos de la construction du pont, sous certaines restrictions quant aux préférences des contribuables. Il suffit de choisir judicieusement... -
MIRRLEES JAMES ALEXANDER (1936- )
- Écrit par Françoise PICHON-MAMÈRE
- 753 mots
C'est pour « leurs contributions fondamentales à la théorie des incitations dans le cas d'informations asymétriques » que le Britannique James Alexander Mirrlees et le Canadien William Vickrey ont reçu conjointement le prix Nobel d'économie 1996. Les deux chercheurs se distinguent...