Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

WILLIAMSON ALECK FORD ou RICE MILLER dit SONNY BOY (1890, 1899 ou 1901-1965)

Dans le blues, il est fréquent qu'un musicien clame sa filiation à son maître ou à son idole en lui empruntant son nom : les Muddy Waters Jr., B. B. King Jr., Jimmy Reed Jr. ou Howlin' Wolf Jr. abondent ! Mais le cas de Rice Miller est tout autre : il a emprunté l'identité de John Lee « Sonny Boy » Williamson en affirmant qu'il était, lui, l'original et que l'autre – le vrai – était un usurpateur. Seule la mort de Sonny Boy « no 1 » en 1948 a permis à Sonny Boy « no 2 » de gagner Chicago sans risque et d'y faire à son tour une grande carrière. Bonimenteur et showman autant que bluesman, ce Sonny Boy-là a entouré son existence d'un tel épais tissu de bobards qu'il a fallu un travail de limier de la part de chercheurs britanniques pour démêler la fiction de la réalité. Et encore : que d'incertitudes demeurent sur Sonny Boy no 2, à commencer par sa date réelle de naissance !

Il naît à Glendora, dans le Mississippi, peut-être le 5 décembre 1890, ou 1899, ou 1901. Fils illégitime de Millie Ford, qui le prénomme Aleck, il est élevé par son beau-père, un certain Miller, dont il prendra le nom. Son surnom de « Rice » provient du travail régulier qu'il effectue un temps dans les rizières à la frontière de la Louisiane et du Mississippi. Quoi qu'il en soit, Aleck Ford, ou Rice Miller, préfère aux travaux agricoles la vie de musicien itinérant. Il apprend l'harmonica et la guitare et vagabonde dans les années 1920 dans tout le Sud, où il gagne sa vie en jouant le blues et en racontant des histoires, soit seul, soit au sein d'un medicine show, soit encore en compagnie d'autres bluesmen comme Robert Leroy Johnson, Robert Jr. Lockwood, Elmore James, Robert Nighthawk ou Howlin' Wolf. Lorsqu'à partir de 1937 John Lee « Sonny Boy » Williamson engrange succès sur succès avec ses disques pour la firme Bluebird, Rice Miller usurpe son identité, se faisant ainsi mieux payer dans les bars locaux. Grâce à ce subterfuge, il réussit à devenir l'animateur régulier d'un programme radiophonique diffusé depuis Helena (Arkansas), qu'il rendra célèbre, le King Biscuit Show, sponsorisé par la marque de farine Sonny Boy ! L'émission rend très populaire Rice Miller dans le Sud et des échos de ce succès arrivent jusqu'à Chicago. Le vrai Sonny Boy tentera, pistolet à la ceinture, de corriger l'imposteur. En vain. La rencontre entre les deux Sonny Boy n'aura jamais lieu.

Bien qu'il ait toujours prétendu avoir gravé des disques dès les années 1920, Rice Miller doit en fait attendre 1951 pour enregistrer ses premiers 78-tours pour le label Trumpet, soit une vingtaine de grands blues caractérisés par une grande expressivité instrumentale, une capacité à créer en quelques secondes un climat tendre ou dramatique, un ton sarcastique qui s'insinue avec malice dans des compositions toujours originales, emplies de verve et d'humour. Chez ce grand bluesman, chez ce poète satirique, la voix, le texte et l'harmonica ne font qu'un. Ces qualités sont encore portées à la perfection lorsque Sonny Boy signe en 1955 un contrat avec les frères Len et Phil Chess. Il enregistre alors à Chicago, entouré des meilleurs musiciens de la ville, une des œuvres les plus accomplies de l'histoire du blues : Don't Start Me to Talkin', The Key, Nine Below Zero, Checkin' Up on My Baby, Cross My Heart, Trust My Baby, Bring It On Home, Help Me et des dizaines d'autres blues magnifiques devenus des classiques du genre. En 1963, cet harmoniciste habillé d'une tenue d'Arlequin et d'un chapeau haut-de-forme, sorcier à la barbichette, illusionniste et grand raconteur de bobards saisit à bras le corps le public européen au cours de la tournée de l'American Folk Blues Festival. Il a le coup de foudre[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification