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BESTER WILLIE (1956- )

Le peintre et sculpteur Willie Bester, aîné d'une famille de sept enfants, est né en 1956 à Montagu, province du Cap, Afrique du Sud. Il avait dix ans quand le Group Areas Act du gouvernement d'apartheid obligea les siens à quitter leur ferme pour intégrer un homeland où étaient regroupés dans des zones d'habitation exclusives ceux qui n'étaient pas nés blancs. Très jeune adolescent, il dut quitter l'école pour aider sa famille en travaillant comme saisonnier. Les lois de l'apartheid obligeant les hommes de couleur à avoir des contrats de travail de plus de six mois, il est envoyé pour un an dans un camp disciplinaire situé près de Cape Town. À l'âge de vingt ans, Willie Bester trouve un emploi chez un dentiste dont il sera l'assistant jusqu'en 1991. Dès 1986, il participe au Community Art Project de Cape Town, et en 1991 il se consacre à temps plein à sa carrière artistique.

Willie Bester utilise les déchets de la société qu'il dépeint (il les ramène dans sa brouette) pour retracer dans ses œuvres l'histoire des événements politiques marquants de l'Afrique du Sud. Ses œuvres sont des collages de couleurs crues sur une planche de bois, une juxtaposition d'objets divers, de rebuts trouvés dans les zones urbaines d'habitat noir (townships), chaussures, os, boîtes de soda, boîtes de conserve, douilles de balles, coupures de journaux, pages de livres... Il ne s'agit pas de recycler les déchets pour leur donner une autre vie mais d'intégrer dans une œuvre des éléments qui contribuent à décrire le monde corrompu et violent de l'apartheid. La surface de la toile est saturée par un enchevêtrement d'objets, d'images, de lettres, de chiffres et de fragments de phrases.

Il intègre également dans ses « tableaux-installations » des photographies qu'il prend lui-même et qui replacent les débris d'objets dans la vie quotidienne qu'ils ont servie et dont ils ont été écartés. L'utilisation de couleurs vives et chaudes peut parfois atténuer la force de son message tout en renforçant la puissance graphique des œuvres. Le spectateur est saisi par la beauté plastique de ces collages qui ont un impact visuel très fort.

Willie Bester, en archéologue du temps, présent reconstruit le tissu de l'histoire, reprend possession des aspects cachés du township (son site de fouilles) où les Noirs étaient le plus marginalisés, et il déclare : « Je décris simplement la vie comme je la connais et mon art peut être perçu comme un document visuel de l'histoire en mouvement – net, précis, provocant et passionnant. »

Dans les œuvres les plus connues que sont Tribute to Steve Biko (1992), The Pigozzi Collection à Genève (hommage à un combattant noir de l'apartheid assassiné par la police), ou Semekazi-Migrant Miseries (1993), Contemporary African Art Collection à Genève (description de la vie misérable des habitants des townships), l'évocation de la violence est retranscrite par un patchwork de matériaux, de couleurs vives et de photographies de la vie quotidienne. L'utilisation de ces objets recyclés répond à une recherche esthétique personnelle que l'artiste ne craint pas d'utiliser pour mettre en place un art engagé qui ne sert jamais à magnifier le laid ou le morbide : « [...] mon art doit être pris comme s'il était un médicament au goût infect qui réveille les consciences ». Bester est l'un de ces artistes très engagés socialement et politiquement dont le travail ne peut pas se limiter à n'être que l'aboutissement d'une recherche esthétique. Son art a surtout une visée pédagogique de dénonciation sociale. L'apartheid a été au cœur de son art, il en a célébré les martyrs, comme Steve Biko ou Chris Hani, il en a stigmatisé les partisans. Mais à son abrogation officielle en 1991 a succédé un néo-apartheid que Willie Bester dénonce inlassablement dans ses[...]

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Écrit par

  • : conservateur de la Contemporary African Art Collection, historien de l'art
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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