RONIS WILLY (1910-2009)
Le photographe Willy Ronis est né à Paris en 1910. Il jouait du violon depuis l'âge de sept ans et voulait être compositeur. Mais son père malade eut besoin de son aide et il devint, auprès de lui, artisan photographe en 1932, alors qu'il pratiquait depuis l'âge de seize ans, en amateur, la prise de vue et le tirage. Il se fit professionnel par devoir familial. À la mort de son père, en 1936, il vendit la boutique et devint photographe indépendant : reporter pour la presse de gauche ou en réponse à des commandes d'entreprises. Il se lia alors avec des confrères plus expérimentés que lui, Naf, Chim et Robert Capa. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il fut, à Toulon, l'assistant éphémère de Sam Levin et, à la Libération, il revint définitivement à la photographie. Prix Kodak en 1947, membre de l'agence Rapho, il collabora pendant quelques années au magazine américain Life, dont il se sépara en 1950 parce qu'il n'acceptait pas de voir ses clichés légendés à contresens. Pour une raison identique, il prit pendant quelque temps ses distances à l'égard de l'agence Rapho. Retiré dans le Midi, à Gordes, de 1972 à 1983, il se consacra à l'enseignement (école des Beaux-Arts d'Avignon, faculté des lettres d'Aix-Marseille), à quelques commandes et à des travaux personnels.
Willy Ronis a beaucoup photographié la rue et la vie du petit peuple de Paris, ainsi qu'en témoignent ses livres Belleville-Ménilmontant, publié pour la première fois en 1954, et Mon Paris (1985). Promeneur sur le qui-vive, il se tient à distance, sans se mêler aux scènes qu'il photographie, il est moins près du sujet qu'un Brassaï ou un Doisneau. Il est aussi moins soucieux d'extraordinaire que Henri Cartier-Bresson. Ronis est un photographe de l'ordinaire, mais un reporter subjectif pour qui l'émotion ne va pas sans rigueur esthétique, guidé par un seul principe : « transformer le désordre en harmonie » (Sur le fil du hasard, 1980). Dans un climat de rêverie qui est sa touche personnelle, teinté de mélancolie (le photographe saisit ce qui déjà se dérobe). Il porte une attention particulière aux personnages féminins, de la petite fille à la vieille dame en passant par des nus d'une délicieuse sensualité (Nu provençal, 1949 ; Toutes Belles, 1992), dans lesquels il donne la preuve d'« une déontologie de la pudeur et du respect » selon la belle définition de Bertrand Eveno. Il a aussi beaucoup retourné l'objectif sur lui-même (Autoportrait, 1996), comme pour montrer qu'en photographie, dans les images qu'il prend du monde, c'est toujours lui-même que le photographe cherche à voir. Aussi est-il normal de voir avant tout en Willy Ronis un photographe intimiste, qui ne s'est jamais laissé réduire par les nécessités du travail sur commande. Pour ce reporter du quotidien, qui s'est épanoui au moment du Front populaire, l'actualité n'est jamais faite d'événements tonitruants, et c'est sur un certain climat du xxe siècle plus que sur des faits précis qu'il nous donne un témoignage essentiel. En 2001, il publie chez Hoëbecke Derrière l'objectif et l'ouvrage Spécial Ronis est édité pour la liberté de la presse avec Reporters sans frontières.
Willy Ronis a obtenu le grand prix national de la photographie en 1979 et a fait donation de son œuvre à l'État, avec effet post mortem. L'Hôtel de Ville de Paris a rendu hommage à Willy Ronis en organisant une rétrospective de son œuvre en 2006, et le festival d'Arles le célèbre à travers une exposition en 2009.
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Écrit par
- Gilles PLAZY : critique d'art
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