MCCAY WINSOR (1867-1934)
À l'occasion de la parution de la biographie de John Canemaker sur Winsor McCay, Art Spiegelman, l'auteur de Maus, écrivait : « Une chose me laisse perplexe... Tant de personnes par ailleurs cultivées n'ont jamais entendu parler de Winsor McCay. Pourtant, c'est McCay qui a montré à quoi ressemble le paysage intérieur de nos rêves, plusieurs décennies avant que les surréalistes n'accrochent une montre molle à un arbre ! » Winsor McCay, qui fut célèbre aux États-Unis dans les années 1905-1920, n'est en effet connu aujourd'hui que de ceux qui s'intéressent à l'histoire de la bande dessinée, un moyen d'expression qu'il fut pourtant le premier, avec les planches de sa série Little Nemo in Slumberland, à élever au niveau de l'art.
Premiers pas dans l'exploration des rêves
Des incertitudes pèsent sur le lieu et la date de naissance de Winsor McCay, et même sur l'orthographe d'origine de son nom. Selon son biographe le plus sérieux, John Canemaker, l'auteur de Little Nemo serait né Zenas Winsor McKay le 26 septembre 1867, probablement au Canada, dans l'Ontario, mais il a grandi aux États-Unis, à Spring Lake (Michigan). En 1903, il illustre dans le Cincinnati Enquirer une histoire en images, Tales of the Jungle Imps, dans laquelle l'auteur des textes, Felix Fiddle (pseudonyme du journaliste George Randolph Chester), explique de façon loufoque l'origine des caractéristiques morphologiques de différents animaux. Cette même année 1903, James Gordon Bennett Junior demande à McCay de venir travailler à New York pour qu'il collabore à deux de ses journaux, le New York Herald et le New York Evening Telegram.
En 1904, McCay commence ses deux premières bandes dessinées importantes, Little Sammy Sneeze, dans le New York Herald, et Dream of a Rarebit Fiend, dans le New York Evening Telegram, où il signe « Silas ». Little Sammy Sneeze a pour thème les catastrophes diverses provoquées par les éternuements monstrueux d'un petit garçon : c'est une série amusante, visant plutôt un public enfantin. Dream of a Rarebit Fiend – généralement traduit en français par Les Cauchemars d'un amateur de fondue au chester – décrit les rêves angoissants de ceux qui ont abusé de cette sorte de croque-monsieur au chester et à la crème fraîche, imbibé de bière brune. Cette bande dessinée, beaucoup plus adulte dans le ton, présente des rêves que l'on devine révélateurs, souvent chargés de connotations sexuelles, et parfois cruels, comme celui où un mort assiste à son enterrement et constate l'absence de chagrin des participants (cet angle de vue sera repris en 1932 par Carl Theodor Dreyer dans Vampyr [L'Étrange Voyage de David Gray], adaptation d'une nouvelle de Sheridan Le Fanu). Dream of a Rarebit Fiend est une contribution impressionnante de la bande dessinée à l'exploration de l'inconscient, à laquelle Freud avait donné un essor décisif quelques années plus tôt avec L'Interprétation des rêves (1900).
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Dominique PETITFAUX : historien de la bande dessinée
Classification
Autres références
-
LITTLE NEMO (W. McCay)
- Écrit par Dominique PETITFAUX
- 188 mots
- 1 média
Il ne fallut pas dix ans à la bande dessinée américaine « à bulles » – née en 1896 avec The Yellow Kid de Richard Outcault – pour produire ses premiers chefs-d'œuvre, malheureusement aujourd'hui oubliés, comme The Kin-der-Kids (1906) du peintre Lyonel Feininger (1871-1956)....
-
BANDE DESSINÉE
- Écrit par Dominique PETITFAUX
- 22 913 mots
- 16 médias
Très tôt dans son histoire, la bande dessinée américaine donne naissance à deux chefs-d’œuvre : Little Nemo (1905) par Winsor McCay (1867-1934), récits oniriques partiellement inspirés par l’art nouveau, et Krazy Kat (1913), par George Herriman (1880-1944), bande animalière à l’humour... -
CINÉMA (Cinémas parallèles) - Le cinéma d'animation
- Écrit par Bernard GÉNIN et André MARTIN
- 17 657 mots
- 5 médias
...dessiner une suite de dessins qui forment un film de deux minutes (Fantasmagorie, 1908), Anson Dyer en Grande-Bretagne ou Victor Bergdhal en Suède. Windsor McCay, cartoonist new-yorkais glorieux, qui voyait dans l'animation un art original, pousse le contrôle du mouvement et du dessin à un point qui n'a pas...