CHURCHILL WINSTON (1874-1965)
Vingt ans avant sa mort, Winston Leonard Spencer Churchill est entré dans l'histoire du peuple britannique, à l'instant même où, la guerre terminée, le verdict des élections, par un étrange paradoxe, l'éloignait du poste de Premier ministre. Pour les Anglais, il est l'égal du second Pitt, parce que sa gloire est d'avoir triomphé du nazisme, tout comme son illustre prédécesseur avait affronté Napoléon. Les historiens ont consacré sa légende, et les Mémoires de son médecin personnel, lord Moran, publiés au lendemain de sa mort, firent scandale parce que l'auteur imputait les erreurs de l'homme d'État à la maladie et au caractère de celui-ci.
Pourtant, à la fin d'une carrière politique qui commence avec le siècle et sera la plus longue de l'histoire britannique, Churchill n'aurait sans doute laissé qu'un souvenir marginal sans ses cinq années de leadership national (1940-1945) qui amenèrent la Grande-Bretagne et l'empire à la victoire. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, malgré une présence parlementaire et ministérielle mouvementée, il paraissait définitivement écarté des conseils gouvernementaux du Parti conservateur et sa vie publique se soldait par un échec. Après la guerre et une expérience travailliste difficile, il revient au pouvoir à la tête des conservateurs (1951-1955), sans qu'on puisse affirmer que ce dernier principat ait marqué l'efficacité du gouvernement britannique.
Churchill, en effet, a été surtout un leader de guerre, dans la tradition de Lloyd George ou de Clemenceau. L'étonnant divorce entre le héros national du temps de crise et le politique discuté des jours ordinaires tient pour beaucoup à ce qu'il fut le dernier héritier de l'époque victorienne et de la grandeur britannique dans un monde qui a consacré la décadence de l'establishment et le déclin de l'Angleterre. En témoignent aussi bien sa personnalité que sa politique et le rôle qu'il a joué dans l'histoire politique et sociale du Royaume-Uni.
Une vigoureuse personnalité
Churchill (né à Blenheim Palace, dans l'Oxfordshire) a été tout au long de sa vie un personnage d'une puissante originalité. Bien que sa mère ait été américaine, il fait songer aux héros que Shakespeare a mis en scène. Tout en lui est puissant ou exagéré. Descendant de Marlborough – il lui a consacré un important ouvrage –, il est un aristocrate que son milieu et son éducation au collège de Harrow, puis à l'école militaire de Sandhurst, imprègnent des traditions victoriennes. Mais tout cela prend chez lui une résonance peu commune. Il est extravagant même dans son accoutrement, et ses foucades sont célèbres. Il a le goût du drame et se complaît dans les situations difficiles ; il note dans ses Mémoires de la période héroïque de 1940 : « Ce sont des temps où il fait également bon vivre et mourir. » Il aime la bataille aussi bien au Parlement qu'à la guerre, et toute sa vie est celle d'un lutteur qui ne s'avoue jamais vaincu.
Mise en relief par ce caractère peu commun, sa célébrité comme chef de la nation en guerre sera la synthèse des différents visages qu'il a présentés pendant sa vie. Il a commencé par être soldat et en gardera le penchant, revêtant volontiers l'uniforme. Sa brève carrière l'a mené sur tous les points où se joue la destinée de l'empire : la frontière de l'Inde, le Soudan avec Kitchener et l'Afrique du Sud pendant la guerre des Boers ; il reprendra du service au début de la guerre en 1914. Il lui en reste des aventures personnelles, mais aussi une connaissance approfondie des choses de l'armée, qu'il utilisera quand il sera ministre et, plus tard, à la tête du cabinet de guerre. Mais son visage le plus connu est celui de l'homme politique. Il a occupé tous les rôles qu'accorde le répertoire politique britannique : député turbulent[...]
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Écrit par
- Albert MABILEAU : professeur de sciences politiques à l'université de Bordeaux-I
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