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CHURCHILL WINSTON (1874-1965)

Une politique réaliste

Conférence de Yalta, 1945 - crédits : The Image Bank

Conférence de Yalta, 1945

Churchill a été avant tout l'homme des situations. Il leur applique ses conceptions du gouvernement et c'est à leur contact qu'il forge ses idées politiques. Pour lui, la responsabilité de l'homme d'État se fonde sur le loyalisme monarchique et la grandeur britannique. Le loyalisme monarchique impose le respect du système politique, mais aussi la sauvegarde des institutions sociales ; il se montrera toujours passionnément attaché aux prérogatives des Communes comme à celles de l'aristocratie. La grandeur britannique est pour lui l'impératif majeur de l'intérêt national ; c'est ainsi qu'il n'hésitera pas à heurter l'opinion pacifiste de l'entre-deux-guerres. Tout en respectant les rites et conventions politiques, il applique ses conceptions avec une fermeté fortement teintée d'autoritarisme. Il a gardé de la dernière guerre le sentiment que l'homme d'État est essentiellement un chef qui commande, dès lors qu'il prend conscience de sa mission. En cela, il s'est élevé au-dessus des institutions : Premier ministre, il domine son cabinet ; leader du Parti conservateur, il ignore les réactions partisanes. Cependant sa ligne de gouvernement est d'inspiration réaliste et ses choix politiques ne laissent aucune part à l'idéalisme. Passionnément humain, soucieux de faire éclater la vérité, il se sert de l'émotion qui le pénètre pour la communiquer aux autres : « Je n'ai rien à offrir que du sang, du travail, des larmes et de la sueur » (1940). Il fait taire les scrupules, au nom des intérêts de son pays, comme pourraient en témoigner les épisodes de Mers el-Kébir ou de Yalta pendant la Seconde Guerre mondiale.

Dans cette atmosphère réaliste, ses idées sont les éléments d'une politique concrète, voire conjoncturelle ; elles peuvent varier selon le moment et la position du personnage sur la scène politique. Elles relèvent toutes de la politique internationale et il ne semble pas que Churchill, convaincu sans doute de l'excellence de l'héritage traditionnel et victorien, ait poursuivi de grands desseins de politique intérieure. Sa première idée est l'impérialisme, la seule dont il gardera la passion, puis la nostalgie avec le déclin de l'empire. Patriote finalement satisfait d'avoir autrefois tempêté contre « l'heure de la faiblesse en Grande-Bretagne » en face de la montée hitlérienne, il défendra l'empire jusqu'au bout et s'insurgera contre l'abandon des Indes par les travaillistes en 1947. Son choix du « grand large » et de l'alliance privilégiée avec les Américains n'en est que le corollaire, dans la conviction que son pays doit jouer aux côtés des États-Unis un rôle particulier dans le concert international. Peut-être l'idée d'une Europe unie qu'il lance en 1947, avant de patronner l'année suivante la fondation du Conseil de l'Europe, se trouve-t-elle dans la même ligne, encore qu'à son retour au pouvoir il se soit bien gardé d'y engager la Grande-Bretagne. Par ailleurs, il s'est fait l'apôtre de l'anticommunisme. Dès 1918, il manifeste son horreur du bolchevisme et réclame une intervention alliée en Russie ; c'est lui qui, dans son célèbre discours de Fulton (1946), parlera le premier du « rideau de fer » et engagera la guerre froide. Mais les sentiments ne l'ont jamais aveuglé et il n'hésite pas à faire de l'URSS un allié contre le nazisme, avant de partager avec Staline l'Europe en zones d'influence. En fin de compte, toutes ses conceptions relèvent de la politique et de la diplomatie traditionnelles, mais Churchill leur a parfois donné la vigueur incomparable de son génie et du sentiment de sa mission.

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Écrit par

  • : professeur de sciences politiques à l'université de Bordeaux-I

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Winston Churchill le jour de la victoire - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Winston Churchill le jour de la victoire

Boers au combat - crédits : Van Hoepen/ Hulton Archive/ Getty Images

Boers au combat

Churchill à Lille - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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