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SZYMBORSKA WISŁAWA (1923-2012)

Wislawa Szymborska - crédits : Wojtek Laski/ Getty Images

Wislawa Szymborska

Wisława Szymborska, qui a reçu le prix Nobel de littérature en 1996, est née le 2 juillet 1923 à Prowent, en Pologne. À partir de 1931, elle réside à Cracovie où, après des études de lettres et de sociologie, elle a collaboré à des revues littéraires. À part quelques critiques et traductions, Wislawa Szymborska s'est entièrement consacrée à la poésie. Ses débuts datent de 1945 ; treize recueils sont parus en Pologne entre 1952 et 2005. Cette production, modeste en volume mais d'une qualité exceptionnelle, lui a valu – bien avant la notoriété internationale – la reconnaissance du public polonais et des plus illustres de ses pairs, dont Julian Przyboś et Czesław Milosz (Prix Nobel 1980). Elle a reçu un doctorat honoris causa à Poznań en 1995, et plusieurs prix littéraires en Pologne ou émanant de fondations polonaises en émigration. Traduite en de nombreuses langues, sa poésie a facilement franchi les frontières de son pays grâce à sa langue limpide et à l'universalité des problèmes qu'elle aborde. Elle appartient au courant dit classique de la poésie polonaise, mais c'est le doute et non la foi qui l'habite : ironique, elle est plus proche de la poésie de Zbigniew Herbert que de celle de Czesław Miłosz. Par son goût du juste milieu, son horreur de l'excès, sa méfiance vis-à-vis des grandes ambitions artistiques, elle rompt avec les expériences de l'avant-garde.

Poète de l'étonnement, Wisława Szymborska préfère la forme interrogative aux affirmations : « Je suis... question en réponse à une question » (« Ciel » in La Fin et le début, 1993). Elle ne prétend pas donner de leçon : « Comment vivre / m'a demandé dans une lettre / quelqu'un à qui je voulais justement / poser la même question » (« Le Siècle qui s'achève », in Gens sur le pont, 1988).

Son discours de Stockholm se conclut par la formule « je ne sais pas ». Elle refuse de réduire le monde à un schéma simple, défend la valeur heuristique de la naïveté : « Pas de questions plus brûlantes / que les questions naïves » (« Le Siècle qui s'achève »).

C'est un véritable émerveillement que suscite en elle le moindre détail de l'existence, confronté au néant qui l'entoure de toutes parts. Szymborska relativise ainsi la position de l'homme dans l'univers, remet en cause sa supériorité sur la nature, s'intéresse aux espèces inférieures, à des époques oubliées, élargit la perspective spatio-temporelle.

Reste que, malgré l'impossibilité de connaître l'intégralité du monde, la réalité s'impose à nous sans échappatoire possible. La poésie de Szymborska n'est pas onirique, elle est pleine d'une lucidité délicatement amère. Elle s'interroge sur la difficulté de l'homme à communiquer avec l'univers qui s'étend devant lui comme une surface prometteuse mais impénétrable.

Le hasard et la nécessité ne sont que deux façons pour l'homme de vivre le temps : « Que le hasard me pardonne si je l'appelle nécessité » (Tout hasard, 1972).

L'homme est victime de l'histoire, il ne la maîtrise pas, il la subit : « Il n'y a que des champs de bataille / ceux dont on se souvient encore / et ceux qu'on a oubliés, / forêts de bouleaux ou de cèdres... / Quelle morale en découle ? aucune sans doute. / Ce qui coule vraiment c'est le sang et il sèche vite et coulent les rivières avec les nuages » (« Réalité oblige » in La Fin et le début).

Le temps qui passe n'apporte aucun progrès moral et le xxe siècle n'a pas, lui non plus, tenu ses promesses : « Dieu devait enfin commencer à croire / en un homme fort et bon, / mais fort et bon / cela fait toujours deux hommes » (« Le Siècle qui s'achève »).

La torture n'a pas d'époque et le corps souffre[...]

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Écrit par

  • : docteur d'État ès lettres, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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Média

Wislawa Szymborska - crédits : Wojtek Laski/ Getty Images

Wislawa Szymborska

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  • POLOGNE

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    La place de la poésie est confirmée par le prix Nobel décerné en 1996 à Wisława Szymborska, seulement seize ans après Miłosz, et cette fois dans une Pologne sans crise politique, pour une œuvre subtilement ironique, laconique et lapidaire, lucide sans être amère car toujours capable de s'étonner...