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REYMONT WŁADISLAŁAW STANISŁAS (1867-1925)

Réalisme et stylisation

Ses premières nouvelles donnaient une image très naturaliste de la vie paysanne. Quant à ses romans, La Comédienne (Komediantka, 1896) et Ferments (Fermenty, 1897), construits autour du conflit qui oppose une individualité sensible à un entourage commun, ils brossent un tableau expressif du mode de vie des milieux d'acteurs et d'employés de province. Ces thèmes furent d'ailleurs repris dans certaines de ses œuvres ultérieures, notamment Lili (1899).

Dans La Terre promise (Ziema Obiecana, 1899), dont la documentation fut rassemblée lors de son séjour à Lodz, alors appelé « le Manchester polonais », l'auteur présente un panorama – animé d'un mouvement presque cinématographique – d'une grande ville industrielle où la vie est déterminée par les lois d'une lutte sans merci pour la subsistance et le profit, lois elles-mêmes inspirées par des intérêts sociaux, nationaux et raciaux contradictoires. Ce roman laissait apparaître une dénonciation de la vie urbaine et une protestation contre les conséquences dévastatrices de l'industrialisation, ce qui rapproche, à son insu, Reymont de John Ruskin et de William Morris ainsi que du poète Émile Verhaeren.

Plus tard, il entreprit avec un demi-succès la rédaction d'un cycle de romans historiques, décrivant dans la trilogie de L'Année 1794 (Rok 1794, 1913-1918) l'histoire des luttes patriotiques (insurrections et complots) qui agitèrent la Pologne nobiliaire pendant la période de son effondrement. Dans ses nombreuses nouvelles (environ quatre-vingts), on peut distinguer, outre des croquis naturalistes, des récits dotés d'éléments impressionnistes et allégoriques ou fantastiques. Parmi ces dernières, il en est de remarquables (Un jour, L'Orage), où cet excellent peintre des extérieurs du monde et des phénomènes sociaux se révèle aussi un pénétrant psychologue.

Mais son plus grand titre de gloire, Reymont le doit aux Paysans (Chłopi), roman consacré à la campagne polonaise, qu'il écrivit de 1901 à 1909. L'action de cette œuvre riche en conflits dramatiques se déroule dans un village des environs de Lowicz, que Reymont connaissait personnellement et où des éléments de folklore riches et spécifiques se sont conservés jusqu'aujourd'hui. L'écrivain y décrit la vie d'une communauté paysanne, relatant avec minutie, et en même temps avec un sens plastique étonnant, les occupations quotidiennes, les coutumes et les cérémonies populaires, et montrant la persistance et la lente disparition d'un ordre patriarcal sévère, aux impératifs moraux primitifs. Cette image épique, stylisée selon la tradition homérique, de la vie d'une communauté campagnarde au moment où les anciennes formes de l'existence paysanne commençaient à se dissoudre, fut enrichie d'éléments tirés des expériences du naturalisme. On en trouve l'expression aussi bien dans la mise en évidence des motivations biologiques qui gouvernent les destinées des héros que dans le dévoilement brutal des aspects sinistres de la réalité campagnarde : misère, avidité, exploitation et préjugés. Mais, en même temps, Reymont montrait, sous un jour sublime, la force des paysans, leur dignité et leur attachement à la terre.

Tous ces éléments se fondent au sein de la nature toute-puissante, évoquée par Reymont dans de multiples descriptions impressionnistes et symbolistes à la fois, et empreintes d'une grande poésie. Le rythme des métamorphoses naturelles se trouve associé dans le roman au rythme séculaire des travaux humains, à celui que déterminent les coutumes aussi bien que la liturgie de la vie d'une communauté campagnarde, à l'ordre existentiel de la vie et de la mort. De cette manière, l'évocation « des travaux et des jours » des paysans, divisée en quatre parties correspondant aux quatre saisons, apparaît comme la[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres de l'université de Cracovie, maître de conférences associé à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris

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