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JARUZELSKI WOJCIECH (1923-2014)

Wojciech Jaruzelski - crédits : Bouillie/ EPA

Wojciech Jaruzelski

Entré dans l’histoire sous les traits d’un général proclamant la loi martiale en Pologne, le 13 décembre 1981, le général Wojciech Jaruzelski a voulu laisser le souvenir d’un grand patriote qui aurait sauvé son pays de la catastrophe. Il avait justifié par des menaces d’intervention soviétique son entreprise contre le syndicat indépendant Solidarność. Non sans succès. Malgré les enquêtes parlementaires et pénales diligentées après 1989, qui l’ont reconnu pleinement responsable d’un coup de force qu’aucune menace ne justifiait, une majorité de Polonais considéraient encore, en 2014, que la décision d’instaurer cette loi martiale avait été juste (46 p. 100 contre 32 p. 100). Homme paradoxal et secret, Wojciech Jaruzelski aimait aussi à rappeler qu’il avait garanti, de concert avec les dirigeants de Solidarność, la sortie pacifique du régime communiste en 1989. Ce que ne lui déniaient pas ses adversaires.

Né à Kurów, le 6 juillet 1923, dans une famille de petite noblesse, Wojciech Witold Jaruzelski reçoit une éducation catholique traditionnelle et nationaliste. À la suite de la double invasion de la Pologne en septembre 1939, sa famille fuit l’armée allemande du côté soviétique, puis en Lituanie, d’où elle est déportée en juin 1941 dans les montagnes de l’Altaï, au sud de la Sibérie. Forcé de couper des arbres dans les forêts enneigées, le jeune Wojciech y contracte une maladie des yeux qui l’oblige à porter des lunettes fumées toute sa vie. Installé à Bijsk (Sibérie), après la mort de son père, il est mobilisé en 1943 et suit une formation militaire à Riazan. Sous-officier, il rejoint l’armée polonaise au sein de l’Armée rouge et s’illustre lors des combats en Poméranie et jusqu’à Berlin (juin 1945). Jeune officier, Jaruzelski gagne ses galons de capitaine dans la lutte contre les nationalistes ukrainiens en 1946 et, nommé commandant de la garnison de Piótrkow Trybunalski, il démantèle, en 1947, les groupes armés issus de la résistance polonaise au nazisme, qui s’opposaient à « l’occupation soviétique ».

À cette époque (juin 1947), il adhère au Parti communiste polonais (appelé Parti ouvrier polonais). Au vu des archives, on le soupçonne d’avoir été, alors, un agent des services secrets soviétiques ou polonais. Ce qu’il a toujours nié. Il se retrouve quand même à la présidence du comité électoral de sa région lors des élections parlementaires de janvier 1947 – élections dont on sait qu’elles ont été entièrement manipulées par les autorités communistes. Il commence donc sa carrière politique au plus profond de la période stalinienne. Il sert fidèlement tous les secrétaires généraux du Parti ouvrier unifié polonais (P.O.U.P.), Bolesław Bierut, Wladyslaw Gomulka, Edward Gierek, et progresse dans la hiérarchie du régime à chaque changement. Cette remarquable stabilité tient autant à son opportunisme qu’à la position centrale qu’il s’est construite dans l’armée polonaise.

Nommé en 1949, par Bierut, responsable de la formation des officiers de la nouvelle armée populaire polonaise, puis à la tête de l’inspection militaire (1951), il est promu en 1956 général de brigade et prend sous Gomulka la direction de l’Académie militaire puis du Département politique de l’armée (1960). Intégré au comité central du P.O.U.P. en 1964, il devient ministre de la Défense en 1968, puis président du Conseil des ministres de 1981 à 1985 et ne quitte plus la direction du parti jusqu’en 1989 (entré au bureau politique en décembre 1970, nommé secrétaire général en octobre 1981). En novembre 1985, il accède à la présidence du Conseil d’État comme chef de l’État.

Fort de son ascendant sur la hiérarchie militaire (dont il a contrôlé la formation et les nominations), le général Jaruzelski se pose à chaque moment décisif du régime communiste en garant de l’ordre[...]

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Écrit par

  • : historien, chargé d'enseignement à l'Institut d'études européennes, université de Paris-VIII

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