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BIERMANN WOLF (1936- )

Wolf Biermann - crédits : Istvan Bajzat/ picture alliance/ Getty Images

Wolf Biermann

Fils d'un communiste assassiné à Auschwitz par les nazis, élevé dans la tradition communiste, membre des Jeunes Pionniers, puis du Parti socialiste unifié, Wolf Biermann, né à Hambourg en 1936 et passé à l'Est en 1953, disposait de tous les atouts permettant d'espérer une carrière paisible dans le pays qu'il avait choisi. Après avoir étudié, de 1957 à 1959, l'économie politique, il collabore pendant deux ans au Berliner Ensemble. De 1959 à 1963, il parachève sa formation en étudiant la philosophie et les mathématiques. Mais, déjà, ses premières prises de position à caractère politique lui ont causé du tort. Il est exclu du parti en 1963, puis, après une brève période d'« assagissement », interdit de parole et de publication en R.D.A. Ses relations avec les autorités iront en se dégradant jusqu'en octobre 1976 où il est déchu de la nationalité est-allemande et exilé. Il vit alors en République fédérale où avaient été publiées la plupart de ses œuvres.

Se définissant lui-même comme simple chansonnier, Biermann reconnaît expressément sa dette envers trois de ses illustres prédécesseurs : Villon, pour son irrespect vis-à-vis des puissants de ce monde, Heine, pour sa haine de la petite bourgeoisie et du chauvinisme, et Brecht, pour sa vision matérialiste de l'histoire et sa foi en un avenir meilleur.

Conscient de la dimension tragique de l'époque que nous vivons, ennemi acharné de toute bureaucratie qui prétend enfermer l'art dans des normes et exige des productions « positives », Biermann se déclare adversaire résolu du capitalisme.

La Harpe de barbelés (Die Drahtharfe, 1965) évoque quelques drames du monde moderne (l'exécution de Julian Grimau en Espagne, le racisme aux États-Unis) et les persécutions dont il est l'objet en R.D.A. : « La panique se répand dès que j'ouvre la bouche et un frisson d'angoisse court sur la trompe des éléphants de la bureaucratie quand je chante mes chansons. » L'ouvrage connaît un énorme succès de librairie, mais déclenche des prises de position virulentes de la part des plus hauts responsables.

Tout en réalisant de nombreux disques, Biermann publie en 1968 Avec la langue de Marx et d'Engels (Mit Marx und Engelszungen), qui évoque la « révolution trahie » à Prague et les débuts de l'opposition extra-parlementaire. En 1972 paraissent simultanément Pour les camarades (Für meine Genossen), critique virulente du socialisme tel qu'il est, selon Biermann, pratiqué en R.D.A., et le Conte d'hiver (Wintermärchen), qui reprend fidèlement le titre, le thème et la prosodie d'un ouvrage célèbre du poète Henri Heine. La parenté de ton est parfois frappante : « Nous avons si bien frotté / Avec le rugueux balai de Staline / Que notre derrière, qui était brun / Porte maintenant des écorchures rouges. » En 1977 paraît Œuvre posthume 1 (Nachlass 1), qui reprend les principaux thèmes d'une œuvre déjà importante : il faut se battre sans relâche contre le « socialisme féodal », ne pas rester les bras croisés en attendant des jours meilleurs et lutter pour l'avènement d'un socialisme réellement libérateur, car, « de toute manière, l'univers, un jour, sera rouge ».

Biermann se compare à un « Icare prussien » (pour reprendre le titre d’un de ses disques) qui ne peut quitter son pays natal sans être précipité au sol. Pourtant, « précipité au sol » par l'effet d'une décision de nature politique (il est déchu en 1978 de la nationalité est-allemande), Wolf Biermann, chansonnier et poète, continue à assumer, après la réunification des deux Allemagnes, le rôle parfois ingrat de critique de la société tant socialiste que libérale qu’il a toujours voulu être le sien.

Plusieurs de ses œuvres ont été traduites en français (La Harpe de barbelés, 1972[...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, maître assistant à l'École supérieure d'interprètes et de traducteurs, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Média

Wolf Biermann - crédits : Istvan Bajzat/ picture alliance/ Getty Images

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