VOSTELL WOLF (1932-1998)
L'artiste allemand Wolf Vostell, né à Leverkusen (Rhénanie-du-Nord - Westphalie) en 1932, a suivi une formation de lithographe de 1950 à 1953 avant d'étudier à l'École supérieure des beaux-arts de Paris où il fut l'assistant de Cassandre. En 1958, il voyage en Estrémadure et se marie, la même année, avec Mercédes Guardado Olivenza. Il appartient au mouvement Fluxus dès sa création en 1962. Dans une déclaration faite en 1995 au journal Libération, il expliquait que « Fluxus mettait le doigt sur les choses simples de la vie, érigeait la simplicité en valeur en mettant l'accent sur le rire, le sourire, les larmes, le vol d'une mouche dans une chambre noire, etc. C'était un existentialisme du comportement qui déclarait la vie comme art et l'art comme vie. » Après le geste de Duchamp intronisant l'objet quelconque dans la sphère de l'art, il estimait avoir fait franchir un pas supplémentaire à celui-ci en plaçant toutes les manifestations de la vie dans l'orbite de l'art. Vostell s'inscrit donc dans la lignée des artistes qui, depuis le romantisme allemand jusqu'à la plupart des avant-gardes (en tout cas jusqu'au surréalisme), ont eu l'ambition de réunifier sous l'égide de l'art la vie morcelée. Ce projet s'accompagne chez lui d'une critique des conditions de vie qui favorisent cette division. Il s'agit dès lors de révéler et d'inviter à combattre ces conditions par l'« aiguillon » de la critique sociale et politique plantée « dans la conscience abrutie », selon les propres termes de l'artiste. La virulence ne fait jamais défaut aux œuvres de Vostell, qui s'entend à provoquer le spectateur par des sensations extrêmement pénibles comme dans les Heuschrecken (sauterelles) où des débris humains pris dans du goudron fondu rappellent le bombardement de Hambourg pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le maître mot de Wolf Vostell aura été le « décollage », mot dont les différentes parties se décolleront à leur tour pour donner « dé-coll/age », et qui lui saute aux yeux alors qu'il se trouve à Paris en 1954 et regarde la manchette d'un Figaro, accroché sur un kiosque à journaux, annonçant le crash d'un avion. Le décollage c'est aussi bien celui des affiches qui permet de voir les images derrière les images que les lambeaux d'images télévisuelles que l'on capte sur des moniteurs détraqués : son principe « consiste à décomposer les formes et les catégories concrètes et invisibles ». Mais le décollage c'est aussi cette sensation d'euphorie et d'angoisse qui accompagne celui qui s'affranchit des lois de la pesanteur, et si le happening est certes un acte critique, il est aussi une sorte de fête révolutionnaire expérimentale. Et loin d'être une fête passéiste qui restaure le climat des jours anciens, le happening tel que le conçoit Vostell se veut résolument moderniste : il se déroule parmi des voitures, des télévisions, des appareils de radio, de vidéo, de cinéma qu'il associe à des télex, des affiches, des journaux qui se mélangent (mixedmedia) ou dialoguent entre eux (intermédia). Les assemblages d'appareils de télévision de Vostell – invention dont Nam June Paik lui disputera la paternité – portent le nom d'Elektronischer Happening-Raum (espace électronique de happening) et transforment le massage médiatique en une séance de torture qui en délivre la vérité (Dépression endogène 1980, présenté au musée d'Art moderne de la Ville de Paris pendant l'exposition Electra en 1983-1984).
De la destruction qui jalonne tout le xxe siècle, dans des proportions jusqu'alors inconnues, Vostell, qui disait s'intéresser au bruit que font les objets quand on les casse, aura fait, comme Mallarmé, sa Béatrice. Le bétonnage en est[...]
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Écrit par
- Jean-François POIRIER : écrivain et historien d'art
Classification
Autres références
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HAPPENING
- Écrit par François PLUCHART
- 4 079 mots
...du groupe Fluxus, qui a bientôt connu une dizaine de centres à travers le monde et dont le Français Ben Vautier et les Allemands Joseph Beuys et Wolf Vostell ont été les plus vigilants protagonistes. La France a aussi enregistré l'activité fugitive de Jean-Jacques Lebel, organisateur en 1960 du...