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MOZART WOLFGANG AMADEUS (1756-1791)

La musique mozartienne

Mozart n'a créé aucun langage. Sa vie durant, il ne laissa pas d'être à l'affût de tous les idiomes dont il pouvait prendre connaissance, et, quand il les adoptait, loin d'en rester au formalisme des procédés, il les recréait de l'intérieur. Mozart n'a été le maître d'aucun langage : il a été maître de tous ses langages, jusqu'à les parler comme autant de langues maternelles, et c'est là la vraie maîtrise.

Et pourtant, il leur imprime la marque « mozartienne » qui les dépouille de tout particularisme national ou culturel. On ne peut cependant pas, à son propos, parler d'originalité : il n'a pas marqué son œuvre du cachet de ce qu'on nomme la personnalité de l'artiste, ainsi que firent un Beethoven ou un Wagner. Il n'y a pas de style mozartien ; il n'y a pas, même dans ses opéras, de « monde », de climat mozartien. Et pourtant, sa musique a quelque chose d'unique, qui se décèle dès l'audition de quelques mesures, quelque chose d'insaisissable.

Et cela est constant en dépit de la versalité des ethos, lesquels changent, souvent, d'un moment à l'autre. Innombrables, en effet, sont les aspects opposites de cette œuvre protéiforme : légèreté badine et gravité pathétique, galanterie salonnière et romantisme farouche, distinction aristocratique et bonhomie (Gemütlichkeit), voire truculence populaire, tendresse alanguie ou rêveuse et âpreté, violence virant parfois à l'atroce. Musique si facile d'accès et en même temps si savante, avec des structures accessibles aux seuls connaisseurs. Faut-il privilégier tel ou tel de ces aspects pour y voir le vrai Mozart ? Et de quel droit ? Comme, longtemps, on avait insisté sur la grâce et la légèreté, on a, par réaction, souligné les aspects graves et tragiques. Mais, à suivre la ligne d'évolution de sa création musicale, on voit combien il est simpliste de dire qu'il ait tendu de la galanterie de cour à la « grande » musique : les œuvres de la dernière année récapitulent tous ses styles et rejoignent – question de métier mise à part – celles de l'enfance. Une chose, par contre, est patente : c'est que le marasme n'est pas un état où il se soit complu, et qu'il a eu horreur de toute confidence ostentatoire. Les moments les plus hauts de son œuvre sont ceux où, dans une totale solitude, il cherche une issue de sérénité. Et – chose stupéfiante – cela arrive en plein concerto, en plein opéra.

Ce qui fait la profondeur de sa musique, disions-nous, c'est la pensée. Mais, entendons-nous bien : il n'avait aucun goût pour le maniement d'idées abstraites ; sa correspondance serait fort décevante pour qui y chercherait des spéculations de philosophie, de politique, voire d'esthétique. C'est en musique qu'il pensait et qu'il parlait, et cela lui était possible en vertu, précisément, de sa maîtrise technique : rien ne s'interposait entre l'idée et la vibration ordonnée du tissu musical.

Or, les problèmes qui, très tôt, l'ont préoccupé sont ceux de la mort, de la survie, du sens de la vie : les seuls passages de ses lettres où il fait part de ses réflexions profondes touchent à cela, et dès que, dans un texte à mettre en musique, apparaît le mot de « mort », le ton s'aggrave immédiatement. « Toujours entre l'angoisse et la joie », écrit-il à son propre sujet. Mais comment venir à bout de cette dualité, source d'une continuelle instabilité, d'un continuel déséquilibre ? Par un sursaut héroïque, de type romantique, où l'on s'enivre de puissance en créant un monde fictif d'évasion ? Non ! Chez Mozart, c'est tout le contraire : c'est dans un langage clair, simple, aussi proche que possible (avec un métier consommé) du naturel qu'il cherche une issue. Sa musique n'emporte pas l'auditeur roulé passivement[...]

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