WOLFRAM D'ESCHENBACH (1170 env.-env. 1220)
L'apport original
Wolfram introduit dans le roman courtois deux nouveautés décisives, l'Orient et le monde mythique du Graal ; en outre, il a tissé entre tous les personnages du roman des liens de parenté, créé des dynasties pourvues d'un ancêtre fabuleux, qui réunissent les trois mondes et rattachent Parzival à la famille d'Arthur, à la dynastie d'Anjou et à celle du Graal.
On possède de Wolfram un poème inachevé qui est en relation très étroite avec le Parzival : Titurel, du nom du premier personnage nommé, ancêtre de la dynastie du Graal. En fait, il raconte les amours enfantines de Sigune et de Schionatulander. Pour plaire à Sigune, celui-ci part à la quête d'une laisse de brachet et trouve la mort. Dans le Parzival, le héros rencontre Sigune alors qu'elle garde le cadavre de Schionatulander. Le début du poème contient l'esquisse d'une dynastie du Graal, qui se retrouve singulièrement développée dans la partie finale du Parzival : Titurel a reçu de Dieu le Graal avec les statuts d'un monde chevaleresque destiné à la garde de cet objet mystérieux. Ce fragment est un curieux essai pour créer un genre nouveau, un poème strophique, mi-lyrique, mi-épique.
Enfin, le poète écrit, dans la même forme métrique que le Parzival, une adaptation courtoise d'une chanson de geste qui fait partie d'un cycle centré sur la vie de saint Guillaume, vainqueur des Sarrasins : Willehalm. Le prince d'Orange a laissé à sa femme Gyburc, princesse païenne convertie, la garde de la cité, pour aller demander en vain l'assistance du roi de France. Deux scènes de sanglantes mêlées opposent Sarrasins et chrétiens commandés par Willehalm, qui sort finalement vainqueur. Wolfram a déployé dans cette œuvre toutes les ressources du genre de l'adaptation courtoise, comme dans le Parzival. Le poème est resté inachevé et l'on ignore comment il l'aurait terminé (dans le cycle français, Guillaume se fait moine). Wolfram est aussi l'auteur de quelques Tagelieder, sur le modèle de l'aube provençale, la chanson des amants obligés de se séparer au point du jour.
Wolfram se trouve à l'extrémité d'une ligne dont le premier chaînon connu est le Tristrant d'Eilhart von Oberg, adaptation d'un Tristan français perdu, qui a été suivi de l'Eneit de Veldeke, de l'Erec et de l'Iwein de Hartmann von Aue, enfin du Tristan de Gottfried de Strasbourg, contemporain et rival de Wolfram. Mais c'est Wolfram qui porte le genre à sa plus haute puissance et en même temps en fait éclater les cadres. En ce sens, il est unique dans la littérature du Moyen Âge allemand.
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Écrit par
- Danielle BUSCHINGER : agrégé de l'Université, maître de conférences à la faculté des lettres d'Amiens
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