WOLS ALFRED OTTO WOLFGANG SCHULZE dit (1913-1951)
Évoquant le surgissement de la peinture de Wols sur la scène artistique parisienne, à la fin des années 1940, son cadet Georges Mathieu écrivait, dans Au-delà du tachisme (1963) : « Wols a tout pulvérisé [...]. Après Wols, tout est à refaire. » Cette déclaration, qui maintint durablement Wols dans le rôle du pionnier de l'« abstraction lyrique », tendait aussi à désigner un équivalent européen à Pollock, dont le célèbre dripping avait, à la même époque, révolutionné outre-Atlantique le geste pictural. Réduisant fâcheusement la démarche artistique de Wols à une sorte d'illumination extatique, cette approche occulte aussi son acuité intellectuelle et la diversité de ses modes d'expression. Chez ce photographe, aquarelliste, dessinateur, peintre, graveur et musicien surdoué, la « pulvérisation » constitue une donnée initiale de l'existence et des instants qui la (dé)composent.
Si son œuvre graphique décline les états de sa subjectivité à la manière d'un sismographe, les formes cauchemardesques qui l'habitent traduisent moins les jeux de l'inconscient qu'une perception exacerbée de soi, tout comme son œuvre photographique, considérée aujourd'hui comme capitale, recueille une vision presque médusée des choses ordinaires. Avec Wols naît, selon Edward Rathke, une « nouvelle objectivité issue de l'imaginaire » plus proche de l'existentialisme – Sartre évoque à son propos une « merveilleuse horreur », parente de celle dont le héros de son roman La Nausée (1938) est la proie – que du surréalisme, dont Wols se réclamera parfois commodément.
Né à Berlin, le 27 mai 1913, dans une famille aisée et cultivée, Alfred Otto Wolfgang Schulze grandit à Dresde et développe son talent pour le violon et la photographie. Désireux d'apprendre la peinture, il se rend en 1932 au Bauhaus de Dessau, où László Moholy-Nagy lui conseille de suivre sa propre voie. Le jeune homme part alors pour Paris, où il commence à gagner sa vie comme photographe. Il rencontre Léger, Miró, Arp et Giacometti, ainsi que Gréty Dabija, qui partage désormais sa vie. Tous deux s'installent en Espagne. Les nombreux dessins à l'encre que produit l'artiste durant cette période disparaîtront en 1935, après son arrestation à Barcelone (il n'a pas effectué son service militaire). De retour à Paris, il devient photographe officiel du Pavillon de l'élégance à l'Exposition universelle de 1937, et une galerie l'expose. C'est alors qu'il adopte le pseudonyme de Wols.
Parallèlement à des aquarelles dont les coloris subtils et les structures scripturales traduisent les moindres frémissements de son intériorité, il poursuit son activité photographique dans une direction tout aussi singulière, mais inversement pesée. Arrachant au monde qui l'entoure des bribes de réalité (visages, corps, éléments urbains, objets inertes ou organiques), il les fige dans des compositions dont l'impassible rigueur et les contrastes crus confrontent le regard – comme parfois chez Jacques-André Boiffard (1902-1961) ou Eli Lotar (1905-1969) – à l'innommable.
Ressortissant allemand, Wols est interné dès le début de la guerre dans divers camps, dont celui des Milles, dans les Bouches-du-Rhône. Il y dessine intensivement (L'Homme terrifié, Le Camp gardé, 1940). Libéré grâce à son mariage avec Gréty, il goûte un bonheur précaire à Cassis, où se mêlent méditation sur la sagesse orientale et « improvisations psychiques », des aquarelles de petit format d'où toute figuration s'efface rapidement, au profit de réseaux de lignes denses en trames délicates (Composition, Le Mât brisé, 1943). Encouragé par le critique Henri-Pierre Roché, rencontré en 1942 à Dieulefit, Wols expose ses œuvres graphiques en 1945 à Paris, dans la galerie tenue par [...]
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Écrit par
- Catherine VASSEUR : docteur en histoire de l'art à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
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