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ALLEN WOODY (1935- )

Guerre et amour, W. Allen - crédits : Ernst Haas/ MoviePix/ Getty Images

Guerre et amour, W. Allen

Quoi de commun entre Prends l'oseille et tire-toi (Take the Money and Run, 1969) ou Bananas (1971) et Intérieurs (Interiors, 1978), Manhattan (1979), voire Hannah et ses sœurs (Hannah and HerSisters, 1986), September (1987) ou Une autre femme (AnotherWoman, 1988), ou encore Match Point (2005) ? D'un côté, un personnage de juif new-yorkais, au comique verbal et absurde dans la lignée des Marx Brothers et dont la silhouette évoque Stan Laurel. De l'autre, des œuvres pas nécessairement comiques, qu'il n'interprète pas toujours, à forte référence européenne, surtout bergmanienne (voire fellinienne), réalisées avec un soin minutieux, traitant de relations psychologiques et conjugales, parfois teintées de métaphysique. L'œuvre de Woody Allen, foisonnante, évolue au fil d’oppositions complexes qui s’entremêlent : comédies et drames, films avec ou sans Woody, avec Diane Keaton ou avec Mia Farrow, scènes de la vie conjugale ou films de genre... Avec le recul et devant l'abondance et la régularité de la production du cinéaste, plus que les œuvres « sérieuses » qui firent reconnaître l'univers et le talent de Woody Allen, c'est la synthèse entre ces tendances (drame et comédie) qui se révèle souvent la plus fructueuse.

La construction d'un personnage

Allan Stewart Konigsberg, dit Woody Allen, est né à New York, dans le quartier de Brooklyn le 1er décembre 1935. À dix-neuf ans, il vend des gags pour la chaîne NBC et se fait remarquer par ses one-liners (plaisanteries en une ligne de texte). Après s'être produit dans les cabarets, les universités et, progressivement, dans les meilleurs shows télévisés, il travaille à la réécriture de scénarios comme What's New Pussycat ? de Clive Donner (1965). La trahison du scénario par la réalisation et la production lui fait jurer qu’il ne tournera jamais plus sans posséder le contrôle total du film. Il s’y tient depuis près de cinquante ans !

En 1966, il commence par « détourner » un médiocre film d'espionnage japonais en lui adjoignant quelques plans et une bande-son entièrement nouvelle (What's Up, Tiger Lily). La première partie de sa carrière se déroule ainsi sur le mode de la parodie : le policier à tendance sociale et documentaire des années 1940 (Take the Money and Run), le reportage (Bananas), le policier façon Casablanca et Humphrey Bogart (Tombe les filles et tais-toi – Play itAgain, Sam – 1971, réalisé par Herbert Ross), le film historique (Guerre et amour – Love and Death – 1975)... Durant cette période, Woody Allen construit progressivement son personnage, s'empare de la mise en scène et gagne sa liberté en même temps que la confiance des producteurs.

À la tradition du comique juif, Woody Allen ajoute une touche inédite au cinéma : un certain intellectualisme (new-yorkais ?), teinté d'une distance hautement ironique. Synthèse du malchanceux et infatigable Schlemilh et de Tévié le laitier, le juif rural (issu des œuvres de l’écrivain yiddish Cholem-Aleikhem) qui a toujours une phrase à la bouche pour commenter ses malheurs, son héros est en proie à la hantise du sexe, coincé entre son psychanalyste et une mère dominatrice, angoissé et introspectif, influençable. Mais il sait trouver son salut en se coulant dans le moule ou le rôle qu'on lui propose : l'« homme caméléon » de Zelig (1983) en est l'exemple le plus accompli.

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

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Médias

Guerre et amour, W. Allen - crédits : Ernst Haas/ MoviePix/ Getty Images

Guerre et amour, W. Allen

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