WORLD MUSIC ET MUSIQUES DU MONDE
La world music est un concept « fourre-tout » qui correspond à la médiatisation de formes populaires d'expressions musicales, ces dernières étant elles-mêmes liées à des traditions ancestrales. Permettant l'exposition commerciale de musiciens qui eurent longtemps du mal à trouver des circuits de diffusion adéquats, la world music fait circuler leurs œuvres (par l'intermédiaire de festivals et de labels spécialisés) et éveille la curiosité d'un nouveau public. Avant les années 1980, il était difficile pour des artistes africains, par exemple, de se produire hors de leur pays d'origine. Les musiques du monde étaient souvent perçues comme figées dans leur tradition ; assimilées à du folklore ou considérées sous un angle purement ethnomusicologique, elles avaient du mal à faire entendre leur voix car leur inscription dans la modernité était perçue comme une perte d'authenticité.
Dans les années 1960 et au début des années 1970, toutefois, certains rockers comme Brian Jones, des Rolling Stones (avec des musiciens marocains pour son album Joujouka, 1971), le groupe britannique Traffic ou les Beatles (avec le sitar de George Harrison) s'étaient intéressés aux musiques traditionnelles. Dans une quête du retour aux sources, le jazz avait également puisé dans ces lointaines influences, à l'instar du latin jazz, du hard bop, ou du free jazz de Don Cherry puis de John McLaughlin (qui travaillera à partir de 1975 avec le groupe Shakti, comprenant parmi ses membres le violoniste indien Lakshminarayana Shankar). Mais il s'agissait plus d'emprunts que d'une réelle découverte des formes originelles.
Dans les années 1970, un certain nombre d'artistes vont réussir à s'échapper de cette sorte de ghetto musical et de cette vision « colonialiste ». Manu Dibango fait ainsi connaître les musiques du Cameroun, comme le makossa, qu'il mêle avec la soul music (son titre « Soul Makossa » connaît un succès mondial en 1973). Le Nigérian Fela (Fela Ransome-Kuti) invente l'afro-beat et en fait une arme de lutte politique. Les Ghanéens d'Osibisa se font connaître en Grande-Bretagne et en France. La Sud-Africaine Miriam Makeba combat l'apartheid en musique, et est contrainte à l'exil. En Jamaïque, le reggae n'est encore qu'une musique locale, mais le producteur Chris Blackwell, fondateur du label Island Records, va bientôt le faire connaître à travers le monde avec sa star, Bob Marley.
En Europe, profitant du goût du public pour les folksongs américaines et du regain de la musique acoustique, des musiciens retrouvent leurs racines : les musiques celtes sont réactivées par Alan Stivell en France, par Fairport Convention ou Pentangle en Grande-Bretagne. Malicorne redécouvre le répertoire et les instruments des régions françaises.
En 1980, David Byrne et Brian Eno produisent un album précurseur, My Life in the Bush of Ghosts, qui incorpore des musiques traditionnelles grâce à l'utilisation du sampling, technique permettant d'« échantillonner » des voix, des instruments, des sons déjà enregistrés par d'autres.
Durant les années 1980, Johnny Clegg joue une musique grand public à l'écriture résolument pop, tout en intégrant des éléments africains dans cette musique comme dans ses spectacles. Grâce aux technologies numériques naissantes, Paul Simon enregistre en 1986 Graceland, un album fondé sur des improvisations électriques de musiciens africains sur lesquelles il agence ensuite ses chansons. Peter Gabriel crée un festival, un label, Real World, et un studio d'enregistrement qui ont pour projet de défendre les musiques du monde. Cette démarche comprend des réussites artistiques indéniables et suscite des vocations de métissages musicaux.
Dès lors, les structures se mettent place et les musiciens vont commencer à communiquer et à parcourir[...]
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Écrit par
- Eugène LLEDO : compositeur, auteur, musicologue et designer sonore
Classification
Médias
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