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WOZZECK (A. Berg)

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L’histoire de l’opéra Wozzeck d’Alban Berg est tirée d’un fait divers : en 1821, à Leipzig, un ancien soldat, Woyzeck, poignarde sa maîtresse ; il sera décapité le 27 août 1824 sur la place publique. Georg Büchner écrit les premières esquisses de Woyzeck en 1836, mais meurt du typhus l’année suivante, à l’âge de vingt-trois ans. Son drame est publié pour la première fois en 1875 par la NeueFreie Presse. En 1879, Karl Emil Franzos édite l’œuvre complète de Büchner et fait une erreur en lisant « Wozzeck » au lieu de « Woyzeck ». Le 5 mai 1914, Alban Berg assiste à une représentation de Wozzeck à Vienne. Enthousiasmé, il adapte la pièce pour l’opéra en effectuant son propre découpage à partir du texte laissé par Büchner.

Berg travaille à son opéra de 1914 à la fin de l’année 1922. Le 11 juin 1924, Hermann Scherchen dirige trois fragments de Wozzeck à Francfort-sur-le-Main ; le public leur fait un accueil enthousiaste. Le 14 décembre 1925, l’opéra est créé dans son intégralité à la Staatsoper Unter den Linden de Berlin sous la direction d’Erich Kleiber, avec Leo Schützendorf (Wozzeck), Sigrid Johanson (Marie), Waldemar Henke (le Capitaine), Fritz Soot (le Tambour-Major), Gerhard Witting (Andrès), Martin Abendroth (le Docteur) et Jessika Koettrik (Margret) dans les rôles principaux. Malgré une campagne de presse hostile à l’œuvre, la réception par le public est excellente.

Argument

Acte I

L’exposition se déroule sur cinq pièces de caractère. Elle correspond à la première journée.

Scène 1. Au petit matin, le soldat Wozzeck (baryton) se trouve dans la chambre de son supérieur, un Capitaine (ténor) qui lui fait la morale sur sa situation familiale : Wozzeck a eu un enfant en dehors du mariage. D’abord soumis, le soldat finit par se défendre et lui réplique qu’il est plus facile d’être vertueux lorsque l’on est riche.

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Berg emploie ici des formes musicales archaïques, à l’image du discours du Capitaine, regroupées en une suite (prélude, pavane, gigue, gavotte, air, prélude). Il utilise deux motifs importants : celui du Capitaine et celui de Wozzeck lorsqu’il s’exclame « Wir arme Leut ! » (« Nous autres, pauvres gens ! »).

Scène 2. Wozzeck et son camarade Andrès (ténor) coupent du bois en pleine campagne. Wozzeck a une vision hallucinatoire et sinistre, associant le soleil à une tête coupée. Andrès essaie de le calmer et l’invite à rentrer, mais Wozzeck ne l’entend pas. Les deux protagonistes sont sourds l’un à l’autre.

La forme musicale de cette scène est une rhapsodie sur trois accords. Le chant d’Andrès, complètement tonal, contraste avec la crise de folie de Wozzeck, souvent en Sprechstimme (sorte de « chant parlé ») et atonale.

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Scène 3. La compagne de Wozzeck, Marie (soprano), est à la fenêtre de sa chambre. Elle admire le passage martial du Tambour-Major (ténor). Après avoir été insultée par une voisine, elle ferme la fenêtre et chante une berceuse à son enfant. À ce moment-là Wozzeck arrive, lui raconte ses visions et s’en va sans prêter la moindre attention à son enfant. Marie prend peur.

La scène repose sur deux musiques très contrastées : une marche militaire et une berceuse, sur un intervalle de quarte.

Scène 4. Wozzeck va consulter un médecin et lui raconte ses visions. Aussi obsédé que lui, le Docteur (basse) agresse Wozzeck et diagnostique une « schöne fixe Idee » (« une belle idée fixe, une merveilleuse aberratiomentalispartialis »).

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La forme musicale est une passacaille avec un thème et vingt et une variations. Le thème qui correspond au Docteur est bâti sur les douze sons de la gamme chromatique.

Scène 5. Marie se trouve en compagnie du Tambour-Major. Celui-ci, assuré de lui plaire, lui fait des avances qu’elle refuse une première fois, puis il se saisit d’elle avec force.

La musique est un andante affettuoso dont la forme est un quasi-rondo.

Acte II

L’action est développée autour d’une symphonie en cinq mouvements. Elle correspond à la deuxième journée.

Scène 1. Marie joue avec les boucles d’oreilles que lui a offertes le Tambour-Major. Elle ne s’occupe guère de son enfant. Wozzeck entre, la soupçonne d’adultère, mais elle feint de ne pas comprendre. Il laisse Marie seule, pleine de remords.

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La forme musicale est un mouvement de forme-sonate (exposition, développement, réexposition).

Scène 2. Le Docteur rencontre le Capitaine dans la rue. Il l’effraie en lui prédisant sa mort prochaine. Les deux individus humilient Wozzeck, qui vient d’arriver, en faisant des allusions à Marie et au Tambour-Major. Désespéré, Wozzeck s’enfuit.

Cette scène est construite sur une fantaisie et une fugue.

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Scène 3. Wozzeck accuse Marie et la menace. Elle se défend et lui rétorque « Lieber ein Messer in den Leib, als eine Hand auf mich » (« Plutôt un couteau dans le corps qu’une main sur moi »). L’idée du couteau ne quittera plus Wozzeck.

La forme musicale est un largo en trois parties pour orchestre de chambre.

Scène 4. Dans une auberge, Marie danse avec le Tambour-Major. Survient Wozzeck, envahi par la haine et la solitude au milieu de la foule qui s’amuse. Tandis que résonnent les cris et les chansons, un fou s’approche et lui dit : « Ich riech, ich riech Blut ! » (« Je sens, je sens du sang ! »).

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La forme musicale est un scherzo suivi d’un trio.

Scène 5. De retour à la caserne, Wozzeck ne peut dormir. Il entend arriver le Tambour-Major, ivre, se vantant de ses exploits. Celui-ci provoque Wozzeck. S’ensuit une bagarre entre les deux hommes. Wozzeck est battu durement et humilié devant tous les autres soldats de la caserne. Mais il lance des propos qui laissent entrevoir une vengeance. On comprend qu’il est déterminé à tuer.

La forme musicale est un rondo.

Acte III

La catastrophe est relatée en cinq inventions. Elle correspond au troisième jour.

Scène 1. Marie lit à son fils la parabole de la femme adultère et des pharisiens. Puis elle lui raconte une histoire d’orphelin, préfiguration du destin de ce petit être. Enfin, elle prie Dieu de lui pardonner ses péchés.

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La forme musicale choisie est un thème et sept variations. Berg utilise différents types de vocalité en fonction du texte, du Sprechstimme au bel canto.

Scène 2. Wozzeck conduit Marie près d’un étang, la nuit. Il lui dit son amour et sa haine avant de l’égorger.

Cette scène est construite autour d’une invention sur la note si, qui revient de manière lancinante.

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Scène 3. Wozzeck se réfugie dans une taverne et rencontre une prostituée, Margret (alto). Celle-ci remarque des tâches de sang et l’interroge. Il prend alors conscience de son crime et s’enfuit.

Une invention sur un rythme organise et génère toute la scène.

Scène 4. Wozzeck cherche l’arme de son crime près de l’étang. Après avoir buté sur le corps de Marie, il trouve le couteau, le lance dans l’eau, mais pas assez loin. Il s’enfonce dans l’étang pour se laver de son sang et se noie en poussant un long cri. Le Capitaine et le Docteur qui passaient par là l’entendent, prennent peur et s’enfuient.

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La forme musicale est une invention bâtie sur un accord de six sons. Cet accord contient tous les éléments de l’action : la tierce mineure représente le couteau, la seconde mineure symbolise la prémonition du meurtre, le tout formant une quinte juste qui désigne la mort.

Scène 5. Des enfants jouent et font une ronde. Parmi eux se trouve le fils de Marie et de Wozzeck. On annonce la découverte du cadavre de Marie. Son fils, qui joue sur un cheval de bois, continue à se balancer puis rejoint les autres enfants. La scène reste déserte.

La forme musicale est une invention en mineur.

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Écrit par

  • : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)

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