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WU CHANGSHI[WOU TCH'ANG-CHE](1844-1927)

La peinture de Wu Changshi

En peinture, Wu Changshi s'illustre plus dans l'exécution hardie de ses compositions que dans son répertoire, limité essentiellement aux thèmes traditionnels que sont les plantes et les fleurs. Ses traits de pinceau sont calligraphiques, son encre est fluide, ses couleurs sont riches, tour à tour opaques et en lavis. Comme la plupart des peintres du xixe siècle, Wu est marqué par l'héritage des individualistes des Ming et des Qing : Xu Wei [Siu Wei] au xvie siècle, Shitao [Che-t'ao] et Zhu Da [Tchou Ta] à la fin du xviie siècle, les Excentriques de Yangzhou au xviiie siècle, qui ont rendu à la peinture une liberté d'exécution qu'elle avait perdue avec les peintres orthodoxes. Il est aussi très proche des peintres de veine plus populaire qui exercent leurs activités à Shanghai, et auxquels il emprunte, surtout à l'époque de sa formation, un effet visuel attractif et une utilisation libre des couleurs. Toutefois, la discipline qu'il acquiert en pratiquant la gravure et la calligraphie assure à ses peintures une structure rigoureuse qui a manqué à certains individualistes et à la plupart des maîtres de Shanghai. Il est certain que son œuvre, qui ouvre la voie à un traitement radicalement nouveau de la surface picturale, trouve l'une de ses sources dans l'étude des inscriptions sur bronze et sur pierre.

Wu Changshi se met réellement à peindre vers l'âge de cinquante ans, époque où une blessure au bras l'empêche peu à peu de pratiquer la gravure de sceaux. Ses sujets de prédilection sont déjà les fleurs de prunier, qu'il rend dans des compositions puissantes. Il ne s'agit pas de restituer la nature telle qu'elle est, mais de présenter un arrangement de plantes dans un espace abstrait. L'asymétrie dynamique des formes, l'importance de la surface picturale comme lieu de tensions entre les pleins et les vides tiennent de la composition des sceaux gravés, tandis que sa façon d'utiliser les couleurs doit beaucoup aux peintres de Shanghai. À partir de 1910, ses œuvres sont plus inspirées par la calligraphie que par la gravure de sceaux. Les compositions, qui s'organisent souvent autour de fleurs et de rochers, restent très simples. Mais, de même qu'en calligraphie, il obtient un effet monumental, car il considère chaque motif pictural comme un idéogramme qui aurait son identité et sa propre force. Les dernières œuvres, toujours plus proches de la calligraphie, sont marquées par une facture rapide et une spontanéité apparente qui, parfois, jouent au détriment de la solidité qui caractérisait ses premières peintures.

Dès le début du xxe siècle, les collectionneurs et les historiens de l'art ont reconnu la place essentielle de Wu Changshi dans l'art chinois, en diffusant des recueils de ses créations en Chine, au Japon puis en Occident, et en situant son œuvre au cœur des débats sur l'art du début de l'ère moderne. Longtemps associé à l'école de Shanghai puis à celle des inscriptions sur bronze et sur pierre, Wu Changshi, dont le style puissant et novateur a exercé une influence considérable sur les artistes contemporains, doit être considéré comme le fondateur de sa propre école.

— Bérénice ANGREMY

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