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XÉNOPHON (426 av. J.-C. env.- 354 av. J.-C.)

Un auteur polyvalent

Cet homme d'action, vif et spontané, est un excellent conteur. L'Anabase, plutôt journal de route que véritable histoire, est un chef-d'œuvre. Cet Orient fabuleux, haut en couleur, plein de détails pittoresques, rappelle Hérodote : ainsi la chasse aux onagres, aux autruches, aux gazelles, aux outardes dans les plaines d'Arabie. Et les récits militaires touchent parfois au pathétique, comme l'épisode célèbre où les Grecs, du haut du mont Tchechès, aperçoivent enfin le Pont-Euxin et se mettent à crier : « Θ́αλασσα, Θ́αλασσα » (La mer, la mer !) en s'embrassant, soldats et généraux, avec des larmes.

Quant aux Helléniques, ouvrage en sept livres qui traite la période 411-362, et dont la composition s'étend probablement sur quarante ans, on n'y retrouve pas la hauteur de vues de Thucydide, son intelligence des rapports, son impartialité de grand historien. La documentation est inégale, le souci chronologique insuffisant, surtout dans les derniers livres. Mais le récit est simple, clair, rapide ; les portraits sont d'une fine psychologie. L'œuvre reste une source essentielle pour une période confuse.

Un esprit positif et réaliste

Xénophon n'est pas un homme de cabinet ; il aime l'action, la nature, le grand air, la chasse. Le héros de l'Économique, Ischomachos, véritable alter ego de l'auteur, fait l'éloge de la vie champêtre et entre dans tous les détails de l'administration domestique (c'est précisément le sens du mot ὀικονομικ́ος). L'Art équestre témoigne d'une longue habitude de l'équitation et dispense des conseils précis pour choisir, panser, dresser l'animal. Très concret également ce traité des Revenus, son œuvre ultime, qui passe en revue les ressources de l'Attique et cherche à renflouer le trésor par un plan d'aménagement du Pirée et un projet d'exploitation intensive des mines d'argent du Laurion.

Du socratisme au cynisme

On s'est beaucoup interrogé sur l'authenticité du Socrate de Xénophon (ainsi Karl Joel, Der Echte und der Xenophontische Sokrates, 1873). Ce personnage familier, plus préoccupé de morale que de métaphysique, est plus vrai peut-être que celui de Platon. En tout cas, l'éthique de Xénophon lui doit beaucoup. Comme lui, il identifie le souverain bien et le bonheur, méprise le plaisir, prêche la justice et l'obéissance aux lois, la tempérance, l'endurance au froid, aux veilles, à la faim, croit que la vertu est une science. Cependant, il paraît plus rigide que son maître. C'est un homme à principes, attaché aux traditions ; sa piété touche à la superstition. L'habitude de la vie militaire le pousse à un ascétisme très exigeant. Il met au premier rang l'effort (π́ονος) et la maîtrise de soi. Pour lui, la bonne pédagogie consiste à former « les hommes les plus disciplinés, les plus retenus, les plus maîtres de leurs désirs ». C'est celle de Sparte, celle de la Perse de Cambyse, où les enfants n'avaient pour nourriture que du pain et du cresson, et pour boisson que l'eau du fleuve. Idéal de perfectionnement individuel qui vise l'homme plutôt que le citoyen, et, rejoignant le cynisme d'Antisthène et d'Aristippe, annonce, en quelque sorte, l'idéal œcuménique du stoïcisme.

De l'aristocratie à la monarchie

Au départ, le « laconisme » de Xénophon inspire ses choix politiques. Il méprise la démocratie d'Athènes, incompétente et rancunière, cette « foule de charpentiers, de cordonniers et de foulons », ces bourreaux de Socrate. Ses préférences vont à l'aristocratie : une caste dirigeante, d'où tout travail lucratif est exclu (« égaux » de Sparte, « homotimes » de Perse), une élite de guerriers énergiques, soumise d'ailleurs à une pression étatique totalitaire. Mais, dans[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres de Grèce, maître assistant à l'université de Paris-X

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